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aux poudres. Quelquefois, lorsqu’un feu d’artifice a été tiré, que les de’inières pièces sont éteintes et que la foule déjà s’écoule, une fusée retardataire interrompt le silence de la nuit sans qu’on se retourne pour la regarder, car on sait bien que le spectacle est fini. Il y a eu quelque chose de semblable au Panthéon, le 5 juin dernier.

Quelle différence avec les autres célébrations du même genre auxquelles il nous a été donné d’assister ! Alors la France était vraiment présente au Panthéon. On n’a pas eu besoin d’y introduire en cachette le cercueil de Victor Hugo, ou celui de Sadi Carnot, ou celui de Marcelin Berthelot. Aucun de ceux qui l’ont vu n’a oublié le long et triomphant cortège qui a accompagné le poète de l’Arc de Triomphe à la place Sainte-Geneviève. C’est que Victor Hugo, s’il avait été un assez pauvre politique, qui s’était donné successivement et repris à toutes les opinions et à tous les partis, était sans conteste un puissant et sublime écrivain : il avait jeté sur les lettres françaises un éclat incomparable et tiré de notre langue des sonorités inconnues avant lui. La paix devait se faire et s’était faite autour de son cercueil. Sadi Carnot avait été, pendant toute sa carrière, consciencieux, scrupuleux ; il avait présidé la République avec une dignité douce et grave ; il s’était personnellement associé à toutes les mesures qui devaient servir les intérêts du pays et augmenter sa force internationale ; enfin, il était mort comme un soldat sous les armes, frappé par le couteau d’un assassin, et l’horreur inspirée par une telle fin avait ajouté une note mélancolique à la sympathie qu’il inspirait ; aussi la France et Paris ont-ils accompagné sa dépouille mortelle au Panthéon. Berthelot avait représenté la science française pendant un demi-siècle ; il avait illustré et enrichi son pays, avec un désintéressement qui ne gardait pour lui que l’honneur de ses belles et fécondes découvertes ; sa vie avait été laborieuse et austère : aussi la France et Paris entouraient-ils son cercueil au Panthéon avec recueillement, avec respect. En a-t-il été de même pour Zola ? Nous ne nous donnerons pas la peine de développer un contraste qu’il est trop facile de faire : contentons-nous de dire que le gouvernement, en cherchant pour lui un succès de mauvais aloi, a blessé dans leurs sentimens un grand nombre de Français. On a souffert en voyant tout notre appareil militaire, les drapeaux de nos régimens, les épées de nos officiers s’incliner devant le cercueil d’un homme qui, assurément, n’a pas rehaussé le caractère de la France aux yeux de l’étranger. Mais à quoi bon insister ? Il semble que, dans toute cette affaire, l’horizon du gouvernement ait été aussi borné que l’a été, dans toute son œuvre,