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Tout cela fut dit du ton d’un maître habitué à être obéi ; après quoi l’Empereur congédia La Ferronnays avec quelques mots obligeans, mais en répétant, une fois encore, que tout dépendait du Roi, et du Roi seul.

Le duc de Blacas s’en vint le lendemain, comme il était convenu, chercher son beau-frère pour le conduire à Bulsturad et mit, pendant les quatre lieues qu’il y avait à franchir, le plus affectueux empressement à le rassurer sur les dispositions du Roi, et sur ses propres sentimens à l’égard de Mme la Duchesse de Berry.

C’était, disait Blacas, par ordre qu’il lui avait, avant le départ de la princesse pour la Vendée, donné des conseils qui contrariaient ses projets. Madame lui rendrait tôt ou tard justice. Il était prêt, quant à lui, à aider de tout son pouvoir une réconciliation qu’il désirait. L’horizon se désembrunissait ainsi peu à peu pour La Ferronnays quand la voiture s’arrêta.

Le château de Bulsturad se dressait là, au milieu d’une plaine immense, dépouillée, triste. La grande maison sans architecture, sans entrée, sans parc, sans même un jardin pour l’égayer, ressemblait bien plus à une ferme qu’à une demeure seigneuriale. Des grenadiers autrichiens montaient leur faction, comme devant une prison...

Dix minutes après, La Ferronnays était introduit chez le Roi, qui venait à lui le visage souriant.

— Avoue, dit-il, après l’avoir embrassé, et reprenant le tutoiement du bon vieux temps, — avoue que tu t’es chargé d’une bien sotte commission.

— Mais, qui pourrait être bien heureuse pour moi, si Votre Majesté consentait à montrer quelque indulgence.

— Eh bien ! comment le puis-je ? Que veux-tu que je fasse ? Je te le répète, elle me refuse la preuve de son mariage. Dans ces conditions, est-il possible qu’elle vienne à Prague ?

C’est autant par égard pour elle, que par respect pour moi-même, et pour ses enfans, que je m’y refuse. Si elle est mariée, ce sera toujours une sottise, mais il y aura moyen d’expliquer tant bien que mal. à ses enfans, cette nouvelle position.

— La volonté du Roi est trop juste pour n’être pas comprise de tous les gens raisonnables, répondit La Ferronnays, qui sentait l’heure enfin venue de jouer sa dernière carte.

— Si Madame ne s’est pas encore rendue aux volontés du