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plus de chagrin que de surprise à son interlocuteur : « — Vous n’êtes ici que depuis peu d’heures, disait Montbel, et déjà vous pouvez juger du changement qui s’est fait dans le caractère du Roi. Il supporte, cependant, son malheur personnel avec une grande force d’âme et une religieuse résignation ; mais il n’entend plus rien dès qu’il s’agit de ses petits-enfans. Du reste, on peut encore s’étonner que son âge n’ait pas plus ébranlé ses facultés. L’exil, pour un autre, serait au moins le repos. Il ne l’est pas pour lui. Si vous pouviez lire les lettres que reçoit le Roi, voir les projets qu’on lui propose, et dont les auteurs évincés deviennent des ennemis, vous comprendriez que ce nouveau malheur l’ait écrasé. Ces sortes de crises sont heureusement d’autant plus courtes chez lui, qu’elles ont été plus vives. Soyez sûr, qu’après-demain, le Roi ne s’occupera qu’à détruire l’impression pénible qu’à dû vous laisser la scène d’aujourd’hui. »

La Ferronnays, se trouvant en si parfait accord sur toutes choses avec M. de Montbel, se risqua enfin à lui demander s’il serait prêt à venir avec lui en Italie, dans le cas où sa prochaine conversation avec le Roi rendrait possible un suprême effort auprès de la Duchesse de Berry.

Montbel n’hésita pas à promettre son concours, ne mettant pour condition à son départ immédiat que l’approbation du Roi Là-dessus ils se quittèrent et La Ferronnays se rendit chez l’Empereur.

François II en vint tout de suite au fait : « J’ai reçu, dit-il, la lettre que vous m’avez apportée ; ma réponse est écrite. Metternich vous la remettra. Je n’ai du reste rien à ajouter à ce que le prince vous a fait connaître. J’aime beaucoup la Duchesse de Berry ; mais, moi aussi, je suis chef de famille. Les volontés du Roi me semblent donc parfaitement justes. Tant que sa belle-fille ne se sera pas soumise, elle trouvera mes frontières fermées. On a encore, chez moi, des habitudes d’obéissance. Je serais fâché que la Duchesse de Berry se mît dans le cas d’en avoir la preuve. Et encore, ajouta l’Empereur, je mets une condition à l’entrée de la Duchesse dans mes États, c’est qu’elle s’y conduise de façon à ne pas gêner mon action politique.

« Je serai très heureux, ainsi que je le lui ai écrit, de la voir tranquille au milieu de sa famille, mais je ne veux pas ici de chef politique. »