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sa sortie de prison pour s’affirmer fidèles envers et contre tous[1].

On ne saurait plus vilainement calomnier ces dévouemens que ne l’a fait Mme de Boigne, quand elle dit que le comte de Brissac, que Mme d’Hautefort prétextèrent des affaires pour ne pas suivre la Duchesse en Sicile ; quand elle raconte que le prince et la princesse de Bauffremont n’avaient, qu’après bien des hésitations, consenti à les remplacer ; quand enfin, elle ajoute que M. de Mesnard lui-même, ce plus vieil ami de Marie-Caroline, ne s’était, qu’à grand’peine, décidé à affronter, avec elle, de nouvelles aventures. Car c’était bien au-devant de nouvelles aventures que l’Agathe, toutes voiles dehors, allait emporter Mme la Duchesse de Berry.

« ... Demain, j’embarque la comtesse Lucchesi et sa fille Anne-Marie-Rosalie. Il y aura un nombreux public ; chacun la verra. La mère et l’enfant seront seules avec moi dans un canot, » écrit, le 7 juin, Bugeaud, avec une triomphale inconscience de son rôle.

Tels sont, en effet, les ordres venus de Paris, que, le lendemain, au moment où la Duchesse va faire voile vers la Sicile, le sous-préfet, le juge de paix, le président du Tribunal lui infligent ce dernier outrage de l’arrêter une fois encore, pour constater l’identité de son enfant.

Et Bugeaud, qui accompagne la princesse, s’étonne qu’entourée du respect de tous, à bord de l’Agathe, sa prisonnière d’hier prenne enfin sa revanche des familiarités de Blaye. Jamais vanité blessée ne s’est plus naïvement et plus crûment épanchée, que dans cette lettre où le général rend compte à son ami d’Argout des incidens de la traversée.


« Je viens d’écrire[2] à M. le président du Conseil, en lui envoyant la lettre que m’a écrite M. de Campo-Franco, ministre-dirigeant de la Sicile, et beau-père de la comtesse Lucchesi.

« Cette lettre, du style rampant de l’Italie, est de nature à

  1. Malgré la minutie des précautions prises, Mme la Duchesse de Berry communiquait assez facilement avec ses amis, grâce au curé, qui était son inconscient complice.
    Au moment où il revêtait les ornemens apportés par lui, la bourse qui renferme le linge appelé « Corporal » était adroitement enlevée et remplacée par une autre bourse toute pareille ; elles renfermaient, sous la soie de leur enveloppe, la correspondance qui arrivait et celle qui partait.
  2. Archives Nationales, f7, 12171, dossier 5, pièce 122.