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ses ancêtres dont il a le plus imité la conduite, continuent ces instructions, étoit de recourir à la France quand ils craignoient d’être accablés par la puissance de la maison d’Autriche. Mais les alliés de ce prince, persuadés qu’il suivroit cet exemple, ont eu une attention particulière à lui fermer cette route et, sous un faux prétexte d’union et d’intérêts communs, ils ont eu l’adresse de l’engager de plus en plus à irriter le Roi de manière qu’il fût à jamais privé du secours de Sa Majesté. Il n’a désormais aucun nouvel avantage à leur demander ; sa vue doit être de conserver ceux que la nécessité seule de son alliance lui a fait acquérir ; s’il attend pour les maintenir à la conclusion de la paix, ils seront peut-être sacrifiés d’un commun consentement à ceux du bien public, et sa possession ni ses nouveaux titres ne seront pas plus considérés que ses prétentions à la succession d’Angleterre l’ont été par les Anglais. Il est donc de sa prudence, de son habileté, et de la gloire de sa maison dont il est particulièrement touché, de prévenir la paix générale pour se réunir à la France et d’effacer par le service qu’il rendroit au Roi le souvenir du préjudice qu’il lui a causé par sa défection. »

Muni de ces instructions, Tessé partit pour l’Italie au mois d’août 1708, non sans nourrir l’espoir assez vraisemblable de réussir dans une mission à laquelle il se croyait propre et d’en tirer, lui aussi, quelques avantages. Cet espoir fut déçu, et il ne réussit pas mieux auprès du duc de Savoie qu’il ne devait réussir auprès des autres princes italiens et auprès du Pape avec lequel il finit par avoir querelle ouverte et violente. Il n’est même pas certain que l’occasion se soit offerte à lui de faire parvenir au duc de Savoie les propositions dont l’avait chargé Louis XIV, car, ainsi qu’il l’écrivait à la princesse des Ursins, « un prince qui n’a ni confesseur, ni ministre, ni maîtresse ne laisse pas d’être comme un fagot d’épines que l’on ne sait par où aborder[1]. » En tout cas, si ces propositions parvinrent à Victor-Amédée, celui-ci fit la sourde oreille, estimant sans doute que le moment n’était pas encore venu pour lui de trahir son nouvel allié.

  1. Lettres du maréchal de Tesse, publiées par le comte de Rambuteau, p. 286.