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tout de suite des moyens d’autorité, ni à lui imposer le docteur Ménière[1] et une sage-femme...

« Ne peut-on, par d’autres moyens, atteindre le même but ? Dans cet ordre d’idées, je propose, sans hésitation, une franchise entière avec Mme d’Hautefort[2] ; j’attendais d’être plus familier, car je n’en suis qu’à ma quatrième visite. Vos instructions me déterminent à m’en ouvrir avec elle dès aujourd’hui à neuf ou dix heures, afin de pouvoir vous en faire connaître le résultat. »

Mais Bugeaud se trompait de porte. La comtesse d’Hautefort était la femme du monde la moins faite pour laisser pénétrer le guerrier dans son intimité ; grande dame, infiniment spirituelle, elle horripilait au ton garnisonnier de Bugeaud. « Vous ne pouvez me sentir et je vous rends bien la pareille, » lui avait-elle dit, rompant avec le protocole dès leur première rencontre.

Comment, d’ailleurs, celle dont son dévouement à la Duchesse de Berry faisait une prisonnière, ne se fût-elle pas insurgée contre l’odieuse surveillance dont la couvait, nuit et jour, son geôlier ?

« ... J’ai demandé à M. le général Janin une brigade de gendarmerie, écrivait, en effet, Bugeaud, dans cette même dépêche où il annonçait à M. d’Argout son projet de séduire Mme d’Hautefort.

« J’ai donc trois hommes de cette arme, et j’en mets un, chaque nuit, à veiller dans l’appartement qui est directement au-dessous de la chambre à coucher de la Duchesse. Un sous-officier est de garde au-dessus.

« On ne peut voir du mouvement que jusqu’à l’heure du coucher des détenus, car alors, ils sont isolés par le moyen de crochets que l’on pose, sans bruit, à leur porte et qu’on enlève de même le matin de bonne heure.

« M. de Brissac[3], la Duchesse et Mme Hanseler[4] peuvent

  1. Le docteur Ménière avait été proposé pour visiter d’office la Duchesse de Berry.
  2. La comtesse d’Hautefort avait, le 22 décembre 1833, remplacé auprès de la Duchesse de Berry Mlle de Kersabiec traduite, pour l’affaire du Carlo-Alberto, devant les assises de Montbrison.
  3. Le comte Emmanuel de Brissac avait, le 28 décembre 1833, remplacé à Blaye M. de Mesnard, traduit comme Mlle de Kersabiec devant les assises de Montbrison.
  4. Femme de chambre de la Duchesse.