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Sciences morales, et souvent participait à ses travaux par des présentations d’ouvrages. Une des dernières fois où il a pris la parole, ce fut pour présenter l’ouvrage de M. de Fontaine de Resbecq, ancien sous-directeur de l’enseignement primaire au ministère de l’Instruction publique, sur l’Enseignement primaire catholique. On m’a assuré qu’à cette occasion, et avec une animation, une émotion même rares chez lui, il avait rendu justice à ces dévoués instituteurs et institutrices congréganistes qui ont tant fait dans le passé pour l’instruction du peuple, et qu’il n’avait peut-être pas vu sans regret proscrire de l’enseignement public. « J’ai libéré mon âme, » disait-il, après cette séance, au Secrétaire perpétuel. Cet hommage dut lui être d’autant plus doux à rendre qu’il avait été obligé de le contenir plus longtemps, et qu’à la veille du jour où toute espèce d’enseignement allait leur être interdit, un pareil témoignage prenait dans sa bouche la valeur d’une protestation anticipée.

Le confrère était charmant, l’homme était excellent. Comme recteur de l’Académie de Paris, et, auparavant, comme directeur de l’enseignement primaire, il avait eu à manier, dans une époque de transition, un personnel nombreux, délicat, difficile, d’hommes et de femmes. Il avait dû parfois faire acte d’autorité, car il connaissait les nécessités de la discipline et il n’était pas homme à y laisser manquer dans une grande administration dont il avait, non seulement vis-à-vis de ses propres chefs, mais vis-à-vis des pères de famille, la responsabilité. Cependant il savait en atténuer les rigueurs, et sa main excellait à adoucir les coups qu’elle était obligée de frapper. La sévérité était toujours chez lui tempérée par la bonté. Cette bonté avait de fréquentes occasions de s’exercer dans ses rapports avec le nombreux personnel placé sous ses ordres, et ceux qui occupaient dans ce personnel le rang le plus humble n’étaient pas ceux qui recevaient de lui le moins bon accueil et auxquels il donnait la moindre part de son temps. Laissons-le nous dire lui-même, dans une lettre familière, comment il entendait son devoir vis-à-vis d’eux : « Demain, écrivait-il, j’ai une liste de soixante-dix personnes à recevoir. Je sais bien qu’il est doux d’emporter un mot d’espérance, et que les pauvres gens qui demandent à me voir attendent cette minute de consolation ou de raffermissement dans leurs ambitions d’avenir. Je fais ce que je puis pour calmer les impatiences, décourager les prétentions mal fondées, réchauffer