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VII

Cette biographie, qui demeure, à mon sens, le chef-d’œuvre de Gréard, est malheureusement un de ses derniers ouvrages. En 1897, il écrivait encore une charmante étude sur Meissonier, à laquelle il aurait pu donner ce sous-titre : l’Artiste, et où il rend de façon singulièrement vivante la figure de ce grand peintre de petits tableaux. En même temps, il amassait les matériaux d’une biographie nouvelle, plusieurs fois tentée avant lui, mais toujours imparfaitement, et à laquelle ses investigations personnelles et les documens nouveaux dont on est aujourd’hui en possession auraient donné un rare intérêt : celle de Sainte-Beuve, à laquelle il aurait pu, également, donner comme sous-titre : le Curieux. Il s’y préparait, il allait y mettre la main, lorsque, le 25 avril 1904, au sortir d’une séance du Conseil supérieur de l’Instruction publique, qu’il avait présidée avec son aisance et sa netteté d’esprit coutumière, il fut brutalement abattu par la main de la mort.

L’émotion que souleva cette mort inopinée fut profonde et se répandit au loin, par delà même les limites du monde académique et universitaire. Le confrère et l’homme étaient en effet également aimés de tous ceux qui avaient été en rapport avec lui. Il était membre de l’Académie des Sciences morales depuis 1875 et de l’Académie française (où j’avais été son concurrent malheureux) depuis 1887. Je crois le voir encore entrer à l’Académie, de son pas discret, presque furtif, signer rapidement, parfois s’en aller presque aussitôt quand quelqu’une de ses nombreuses occupations l’appelait ailleurs, parfois au contraire s’asseoir, causer, écouter, toujours aimable, obligeant et ne fermant jamais l’oreille aux recommandations que ses confrères avaient souvent l’occasion de lui adresser. Aux séances de l’Académie française il n’assistait pas aussi souvent que nous l’aurions souhaité, et à nos discussions sur le Dictionnaire il ne prenait pas toujours la part utile qu’il aurait pu prendre. Il se mêla cependant, et d’une façon active, à nos débats sur la réforme de l’orthographe, mais ce fut pour nous demander, sous la pression des inspecteurs de l’enseignement primaire, des modifications plus profondes que celles que nous crûmes pouvoir lui accorder. Il était plus assidu aux séances de l’Académie des