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Cherbuliez publie, dans la Revue des Deux Mondes : A propos d’un cheval, il est le premier à attirer l’attention sur lui, et Bourget vient à peine de donner la Vie inquiète et les Aveux qu’il le devine en quelque sorte et fait connaître un des premiers ce nom destiné à devenir célèbre.

Ce qui donne parfois à cette collection d’études un charme qui, il faut le reconnaître, leur fait généralement défaut, c’est que l’ancien Scherer, le Scherer aux cheveux blonds de la période de foi, y reprend, par intervalles, la parole. Et, si ce n’est pas pour tenir le langage d’autrefois, c’est, du moins, pour confesser sa mélancolie, ses regrets, et la souffrance qu’il éprouve au bord du vide et de l’abîme que la destruction de toute croyance religieuse ou philosophique a creusé en lui. En lisant telle ou telle page qui nous laisse apercevoir ses sentimens intimes, il est impossible de ne pas se rappeler cette belle strophe où, dans une poésie intitulée : le Positivisme, Mme Ackerman dépeint le sort de l’homme après que, par la Science, il a expulsé la Foi du domaine de l’inconnaissable, et, où, s’adressant hardiment à la Foi, elle lui dit :


Mais ton triomphateur expiera ta défaite :
L’homme déjà se trouble, et, vainqueur éperdu,
Il se sent ruiné par sa propre conquête.
En te dépossédant, nous avons tout perdu.
Nous restons sans espoir, sans secours, sans asile,
Tandis qu’obstinément le Désir, qu’on exile,
Revient errer autour du gouffre défendu.


Sans cesse, Scherer revient errer autour du gouffre défendu, et la sincérité de sa mélancolie fait oublier ce que sa critique a parfois d’un peu âpre contre ceux qui avaient conservé ses croyances.

On peut se demander avec Gréard pourquoi Scherer, malgré la réunion de qualités si rares, n’a pas occupé, même dans l’estime de ses contemporains, la place à laquelle il avait droit, et pourquoi il est aujourd’hui peu connu et peu apprécié des générations nouvelles. On en a donné certaines raisons contingentes. Entre autres, on lui a appliqué ce qu’il a dit de Vinet, avec beaucoup d’exagération, lorsque, pour expliquer que le pasteur de Lausanne ne tienne pas, parmi les critiques, la place qui lui serait due, il a dit qu’il était à la fois étranger et proies-