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et ouverte aux idées de perfectionnement social et de progrès, profondément humaine en un mot, simple et aimable, laissant dans le cœur de ceux qui ont goûté l’intimité de son commerce une gratitude impérissable, dans l’esprit de tous le sentiment d’une autorité justement acquise, et, le jour où s’ouvrait un monde nouveau, se retirant avec honneur. N’est-ce pas là, ajoutait-il, un souvenir qui porte en lui-même sa noblesse et sa moralité ? »

Dans cet éloge de la vieille Sorbonne, tellement complet qu’il pourrait provoquer certaines restrictions, on se demande s’il ne faut voir que l’effort d’un esprit soucieux avant tout de justice et d’impartialité ? N’est-il pas permis de lire entre les lignes, et, sous l’éloge que fait Gréard des maîtres d’autrefois, de découvrir quelques conseils adressés, toujours à la façon discrète dont il était coutumier, aux maîtres d’aujourd’hui ; conseils superflus assurément lorsqu’il loue les vieux docteurs de leur fierté, de leur désintéressement, de leur indépendance, mais encore utiles lorsqu’il leur fait également honneur d’être demeurés étrangers à toute ingérence politique, et, tout en se montrant ouverts aux idées de perfectionnement social et de progrès, de ne point s’être laissés glisser sur la pente des entraînemens dangereux. C’est bien ainsi que Gréard comprenait les devoirs du professeur ; c’est bien l’esprit qu’il s’est efforcé, pendant de longues années, de faire prédominer dans notre enseignement, et dont il a donné l’exemple dans l’exercice de ses délicates fonctions. De même qu’il a mérité, dans le tableau qui représente la pose de la première pierre de la nouvelle Sorbonne, de figurer au premier rang, en grand costume, ef que l’artiste a bien fait de mettre en valeur sa belle tête ; de même il mérite de demeurer comme le représentant le plus accompli de l’esprit universitaire, dans ce que cet esprit a eu de plus intelligent, de plus noble, de plus ouvert à toutes les idées généreuses et nouvelles, tout en demeurant circonspect et mesuré. Tel est encore, je m’en tiens pour assuré, l’esprit de l’Université d’aujourd’hui. Espérons que cet esprit ne paraîtra jamais aux maîtres de l’avenir aussi archaïque que risque de le paraître, le jour où sera perdu l’usage des vieux costumes, la belle robe violette et noire dans les plis de laquelle le peintre s’est complu à envelopper Gréard.