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de géométrie, de physique, de chimie, d’anatomie, de physiologie, de paléontologie, de botanique, sans parler de la psychologie, de la logique, de la métaphysique et même de la morale, je me suis senti pris tout d’abord d’une véritable admiration pour ces jeunes Français de dix-huit ans, au cerveau si bien meublé, et, comparant tout ce qu’ils savent à tout ce que j’ignore, j’en ai éprouvé un sentiment de véritable humilité. Mais comme l’amour-propre reprend assez vite ses droits, comme la capacité des jeunes cerveaux n’a pas augmenté, comme, même sous la troisième République, la journée n’a que vingt-quatre heures, dont il est nécessaire de sacrifier le même nombre au sommeil et dont on veut, avec raison, consacrer une plus grande part aux exercices physiques, je me demande si ces jeunes cerveaux ont pu s’imprégner de façon durable de notions si diverses, et si leurs connaissances ne perdent pas en profondeur ce qu’elles gagnent en superficie. A mon inexpérience pédagogique il semble qu’il ne serait pas impossible de maintenir la diversité des programmes, tout en allégeant chacun, et tout en conservant les quatre branches de l’enseignement, d’en émonder les rameaux superflus.


III

Gréard n’eut pas à faire preuve d’un moindre esprit de mesure, de tact et de prudence pour assurer le succès d’une réforme à laquelle il se dévoua de tout cœur : celle de l’enseignement secondaire des filles. A vrai dire, c’était d’une création plutôt que d’une réforme qu’il s’agissait. L’impulsion qu’en 1868 Duruy avait entendu donner à l’éducation des filles s’était bornée à favoriser, à Paris et dans un certain nombre de villes de province, des cours faits par des professeurs de l’Université ; mais aucun établissement spécialement consacré à l’enseignement secondaire de filles n’avait été créé. Au regard de la loi, cet enseignement n’existait pas. C’est en vue de combler cette lacune que fut votée, en 1880, la loi sur l’enseignement secondaire des jeunes filles. Mais ce n’est pas calomnier les promoteurs de cette loi, de dire que l’enseignement proprement dit des jeunes filles n’était pas la seule question qui les intéressât. Celle du personnel qui distribuerait cet enseignement et des matières qui y demeureraient comprises ou au contraire en seraient