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le triomphe facile et complet, quelques années plus tard. » « Serait-il sage, ajoutait-il, de bouleverser de fond en comble le vieil édifice où nous sommes habitués à vivre ? » Il aurait voulu, ainsi que le recommande Descartes, « qu’on ne démolît la maison qu’après avoir construit celle qui doit la remplacer, » et, sans s’opposer absolument aux transformations indispensables, il regrettait qu’on ne respectât pas davantage l’architecture du vieil édifice.

La dernière démolition et reconstruction à laquelle Gréard ait pris une part involontaire est la réforme de 1902 qui, divisant les études d’abord en deux cycles, a créé ensuite, à partir de la seconde, quatre sections : latin-grec, latin-langues vivantes, latin-sciences, sciences-langues vivantes, et réunit enfin les élèves en deux groupes au sommet des études en philosophie et en mathématiques, sauf à leur donner ensuite le choix entre quatre examens différens. Ce programme compliqué, qui, par sa complication même, répond peut-être assez bien à la complexité de notre société moderne, effrayait tout particulièrement Gréard. Devant la section permanente du Conseil supérieur de l’Instruction publique, il le combattit ouvertement. En séance plénière, il déclara que « le projet aurait pour conséquence la ruine du grec et ferait courir de grands risques à l’étude du latin. » En séance publique et en présence du ministre dont l’avis était nettement favorable au projet, il se borna à dire qu’il faisait ces constatations « avec une sorte d’angoisse, » mais il n’essaya pas de remonter le courant.

Les angoisses publiquement exposées par Gréard ne permettent donc pas de lui attribuer autre chose qu’une part de responsabilité collective dans les programmes du baccalauréat adoptés par le Conseil supérieur de l’Instruction publique dans sa session de 1902 ; et ceci me met à mon aise pour dire que si, d’un côté, par ce qu’ils ont de varié, ils paraissent assez bien satisfaire à des besoins différens, mais également légitimes, de l’autre, ils sont un peu effrayans par ce qu’ils ont de touffu. Pour moi, lorsque j’ai parcouru récemment ces programmes qui comprennent tant de matières diverses, non seulement (et je ne parle ici que des examens littéraires) la littérature et l’histoire anciennes, la littérature et l’histoire modernes étudiées jusqu’à Victor Hugo et au Congrès de Berlin, mais encore la littérature de deux pays étrangers, et en plus des notions d’algèbre,