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et la moitié d’une créance très aléatoire. Il n’y était pas question des terres qui auraient dû rentrer dans les allodiaux sur lesquels son contrat réservait ses droits. Charles-Louis le faisait même remarquer à son fils, dans l’espoir que le prince Charles Un revaudrait cela en complaisances pour les raugraves : « Nous avons la confiance paternelle… qu’en considération de ce que nous lui avons laissé par la présente disposition la meilleure partie de nos allodiaux… il se trouvera d’autant plus obligé, etc. » On a vu que le prince Charles ne se trouva obligé à rien du tout.

Il fit à son tour un testament[1], par lequel, n’ayant pas d’enfans, il se désignait un « héritier et successeur. » Madame n’y était pas nommée. La duchesse Sophie prévit que ce testament-là plairait moins à Versailles que celui de son frère Charles-Louis, où « Madame était nommée pour ce qui de droit lui devrait appartenir[2], » et ce fut en effet ce qui arriva. La France protesta contre le testament du prince Charles et fit valoir que « le droit naturel » appelait Madame à sa succession, non pas seulement pour les portraits de famille ou l’argenterie, mais encore pour « tous les pays, villes et places dont son père et frère ont joui paisiblement pendant leur vie[3], » autrement dit pour le Palatinat tout entier. Quelque bien fondés, cependant, que fussent les droits de sa belle-sœur, le roi Louis XIV consentait, dans l’intérêt de la paix générale, et pour ne pas troubler l’Allemagne, alors en guerre avec les Turcs, à ne réclamer au nom de Madame, en fait de « terres et gens, » que les domaines rentrant dans les allodiaux.

Malgré cette grande modération, que ses agens avaient charge de faire valoir, des lambeaux du Palatinat, — si ses prétentions étaient admises, — passaient à notre pays, et « le frère du Roi de France devenait prince d’empire, comme comte palatin de Simmern et Lautern[4]. » Le nouvel Électeur, Philippe-Guillaume[5], et son fils après lui, se débattirent de leur mieux. On ergota, les deux parties en appelèrent à la Diète, puis à

  1. Le 12 septembre 1684. A. N., K. 552, n° 10.
  2. À Carl-Lutz, du 5 novembre 1685.
  3. Instructions données aux ambassadeurs. — Bavière, etc., p. 401 et suiv.
  4. Hauser, II, 768.
  5. Philippe-Guillaume mourut en 1690 ; Jean-Guillaume, son fils et successeur, en 1716.