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vertu et je vous connais ; sur ce chapitre, personne ne vous pourra nuire, soyez en repos de ce côté-là. Et vous voyez bien que mon frère ne les croit pas tant aussi, car il veut se raccommoder avec vous. » Elle refusait encore de se rendre, alléguant qu’après ces éclats, elle n’osait plus se montrer : « C’est pourquoi, au nom de Dieu permettez-moi que je m’en aille où je vous ai dit, car aussi bien ne puis-je plus vivre entourée de mes plus cruels ennemis et les voir triompher avec tant de joie de mes douleurs et des peines qu’ils me causent. Non, ne craignez pas que je quitte le monde avec regret ; j’ai regret de n’avoir plus l’honneur de vous suivre, mais hors cela je ne regrette rien en toute la France[1]. » Elle termina en le suppliant de ne pas abandonner « la pauvre Théobon. » Le Roi promit : « Tout ce que je pourrai faire sans fâcher mon frère, lui disait-il, pour soulager votre douleur, je le ferai. » Mais il ne cédait point sur Maubuisson, Madame non plus : « Nous en reparlerons une autre fois, M fit-il, et il la congédia pour aller endoctriner Monsieur.

Le même jour, il emmena sa belle-sœur dans sa calèche : « Eh bien ! Madame, dans quel sentiment êtes-vous présentement ?… » Elle était toujours dans le même sentiment, décidée à se séparer de Monsieur. « Eh bien ! Madame, puisque je vois que c’est véritablement votre intention d’aller à Maubuisson, ôtez cela de votre tête, car tant que je vivrai je n’y consentirai point, et m’y opposerai hautement et de force. » L’ami avait fait place au souverain, qui n’entendait point raillerie sur les scandales de la famille royale, les siens exceptés, bien entendu. « Vous êtes Madame, continua Louis XIV, obligée de tenir ce poste. Vous êtes ma belle-sœur, et l’amitié que j’ai pour vous ne me permet pas de vous laisser aller me quitter pour jamais. Vous êtes la femme de mon frère, ainsi je ne souffrirai pas que vous lui fassiez un tel éclat, qui tournerait fort mal pour lui dans le monde. Ne songez pas non plus à combattre ces raisons-ci, car, en un mot comme en mille, arrive ce qui pourra, mais je ne vous laisserai point aller en un couvent[2]. » Madame n’essaya plus de résister : « Vous êtes mon Roi, dit-elle, et par conséquent mon maître, » et elle souscrivit à tout. Le Roi s’engageait à faire renvoyer de sa maison les gens qui lui déplaisaient, à doubler la pension de Mlle de Théobon et à veiller à ce que Monsieur tînt

  1. Cette dernière phrase est aussi supprimée dans l’édition allemande.
  2. Phrase supprimée dans l’édition allemande.