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en cette occasion. Elle n’avait pas pu se faire à l’idée d’une tante Sophie humiliée et offensée. Il lui sembla soudain que le mariage de Bavière pouvait encore se rompre, qu’il n’y fallait qu’un peu d’aide, et qu’elle saurait intriguer tout comme un autre ; en quoi elle se calomniait. Pour la première fois de sa vie, Madame se mêla d’une affaire et essaya de jouer au plus fin avec le Roi et avec Louvois. Montrons-la sous cet aspect nouveau, car nous n’en retrouverons pas l’occasion ; elle ne recommença jamais, peut-être parce que le résultat n’avait pas été encourageant.

Elle débuta par offrir une réconciliation à Louvois, sa bête noire à cause des affaires du Palatinat, mais l’homme indispensable dans la circonstance. Ils se donnèrent tous les deux de bonnes paroles ; seulement, Liselotte croyait Louvois et s’imaginait naïvement l’avoir gagné, tandis que lui, quand Madame lui promettait de « tout oublier, » il savait bien que ce n’était que des mots, sans compter que cela n’avait aucune importance, puisque le mariage de Bavière était comme fait : « (Saint-Germain, le 15 décembre 1679)… La princesse Palatine a joint ses efforts aux miens, et finalement nous avons si bien mené l’affaire, que Louvois s’est décidé, et il m’a dit que si la première affaire, avec la Bavière, était aussi compromise qu’on le prétendait, il parlerait au Roi de notre princesse. Il m’autorisa aussi à lui en parler dès que j’en trouverais l’occasion. Je m’imaginai donc que l’affaire était en bonne voie, et quand je me trouvai avec le Roi dans la calèche, j’amenai tout doucement la conversation sur le mariage de son fils. Le Roi me dit que la chose avait de la peine à s’arranger avec la Bavière… « L’on fait souvent, dis-je, en fait de mariage, des propositions qui ne sont pas agréées, comme pour le mariage bavarois, par exemple. » Le Roi me répliqua vivement : « Quoique ce mariage ne soit pas fait, je ne le tiens nullement pour rompu ; mon fils a maintenant une telle envie de se marier, qu’il ne veut pas attendre davantage ; je suis sûr que, si je cède sur quelques points, ils me jetteront leur princesse à la tête. » À quoi je répondis : « Ce sera un grand honneur pour les Bavarois d’avoir amené Votre Majesté à céder en quoi que ce soit. » J’espérais que cela le piquerait, mais il m’a répondu que c’était chose faite, et que la nouvelle en réjouirait bien son fils, qui était inquiet de ne