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LA REINE VICTORIA
D’APRÈS SA CORRESPONDANCE INÉDITE[1]

Les fragmens de cette correspondance qu’a publiés la Revue, ont excité la curiosité du public sans la satisfaire. On a entrevu quelques traits d’une physionomie singulièrement originale, on n’a pu en saisir l’ensemble. C’est le portrait tout entier que nous voudrions tracer aujourd’hui, en nous aidant des documens authentiques qu’a réunis la piété d’un fils, et qu’une très bonne traduction française met à la disposition de tous nos lecteurs. Ici, rien d’hypothétique, ni d’artificiel. Le caractère de la reine Victoria se dévoile au jour le jour, dans une série de lettres qui n’ont pas été écrites pour la publicité, où son âme s’ouvre sans contrainte, sous l’impression directe des circonstances. Elle est si assurée de l’affection des parens ou des amis auxquels elle écrit une partie de ces lettres, qu’elle n’éprouve même pas la tentation de leur dissimuler quelque chose de ses sentimens intimes. Elle leur dit volontiers ce qu’elle pense, tout ce qu’elle pense.


I

Avant de la mettre en scène, à l’âge où elle prend la plume, il n’est pas inutile de savoir quels ont été les commencemens de sa vie, dans quelles conditions, dans quel esprit elle a été élevée. La petite-fille de George III, la future héritière du trône de la Grande-Bretagne, a eu les débuts les plus modestes. Sa mère,

  1. Traduction française avec introduction et notes par Jacques Bardoux, 3 volumes in-4, Hachette.