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n’avait pas craint d’exprimer cette opinion, et de la soutenir par des argumens qui semblaient très forts. Malheureusement, on sait que les argumens français ne sont pas toujours des argumens romains. Il fallait attendre la décision du Saint-Siège. elle est venue et, nous l’avons dit déjà, elle a été nettement négative, négative comme celles qui avaient précédé, négative comme tout ce qui vient de Rome à l’adresse de la France. Et c’est sans doute, en partie, la faute de notre gouvernement et des procédés qu’il emploie : tout de même, la conséquence est dure quand on songe aux nombreux millions que voilà perdus. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais il en vit.

La lettre du Pape, adressée aux cardinaux français, est d’ailleurs d’une forme très digne. Elle est brève ; le Pape ne revient pas sur les développemens qu’il a déjà donnés à sa pensée ; il se contente de dire qu’ « on demande au clergé français de former des mutualités ouvertes à tous ceux qui se réclameraient de quelque façon que ce soit du titre d’intéressés, sans moyen légal d’écarter de leurs rangs des égarés, ; ou même des membres exclus de la communion de l’Église, » et que cela est inadmissible. « On demande en somme aux ecclésiastiques français, continue le Saint-Père, de se constituer en corps séparé, et d’oublier en quelque sorte leur caractère de prêtres en communion avec le Saint-Siège apostolique. Ils devraient se considérer comme de simples citoyens, mais des citoyens privés du droit accordé à tous les Français d’exclure de leurs mutualités des sociétaires indignes. » En un mot, le Saint-Père craint de voir quelques brebis galeuses s’introduire dans le troupeau qui bénéficierait des retraites et des pensions ecclésiastiques, et, pour éviter plus sûrement ce danger, il en prive toutes les autres. En ce qui concerne les messes, croit-il vraiment qu’on les ferait dire par des prêtres frappés d’interdictions ecclésiastiques ? Rien ne le donne à supposer. Mais, encore une fois, nous ne voulons pas discuter : nous sommes en présence d’un fait, nous nous demandons seulement quelles en seront les suites. Le Pape écrit : « Et tout cela pour pouvoir recueillir des avantages matériels fort discutables et précaires. » Ces avantages n’étaient pas discutables, et ils sont moins précaires que ne l’assure le Saint-Père dans cette phrase de sa lettre. Ils ne sont pas « minimes, » comme il le dit dans une autre. On sent que ces assurances ont pour objet de diminuer les regrets que peuvent laisser les décisions pontificales \ mais on sent aussi que, quand même les biens perdus auraient été beaucoup plus considérables, quand même ils