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La portée d’un discours n’apparaît pas toujours au premier moment ; il faut en attendre les suites. L’agitation a continué dans les esprits, et lorsque la question des fondations de messes est venue devant lui, le Sénat en a senti la gravité : il s’est montré disposé à la résoudre dans un autre sens que ne l’avait fait la Chambre. La Droite, le Centre, une partie notable de la Gauche ont pesé sur le ministère, pour qu’il acceptât soit l’amendement Chaumié, soit au moins l’amendement Philippe Berger, et finalement il a accepté le dernier, ce qui a été regrettable. L’amendement Chaumié décidait que l’argent des fondations de messes serait remis directement aux prêtres qui devaient dire les messes : en fait, il serait passé par les mains de l’évêque qui l’aurait distribué comme il aurait cru devoir le faire. Rien n’était plus sage que cet amendement ; mais il l’était trop pour une majorité et pour un ministère qui affectent de dire qu’ils ne savent pas ce que c’est qu’un prêtre et qu’ils ne veulent pas le savoir. Depuis la loi de séparation, le prêtre est pour eux comme un être fossile, représentant d’une espèce qui a disparu de leur horizon. Quelque pitoyable que fût cet état d’esprit, il a bien fallu en tenir compte : M. Philippe Berger a présenté son amendement, inspiré par celui de M. l’abbé Lemire à la Chambre et même un peu calqué sur lui. Puisque les mutualités « approuvées » devaient recueillir les biens des Caisses de retraite et de secours ecclésiastiques, pourquoi ne recueilleraient-elles pas aussi ceux des fondations de messes ? Puisque l’État et les communes ne pouvaient pas connaître directement un évêque, un curé, un prêtre quelconque et qu’un pareil contact était de nature à les contaminer, ne pouvait-on le leur épargner au moyen d’un corps interposé qui serait la Société de secours mutuels ? On a donc voté l’amendement Berger. Encore une fois, tout le monde a été content, et on s’est donné de bon cœur une sorte de baiser Lamourette. M. Briand, qui avait déjà montré de l’éloquence au Sénat, en a montré encore davantage à la Chambre pour lui faire adopter l’amendement. Il y a réussi : on a cru que tout était terminé. Nous n’avons pas voulu troubler cette espérance, et, lorsque nous avons parlé ici de l’amendement Berger, nous ne nous sommes pas demandé comment il serait jugé à Rome. Cette question, toutefois, nous causait quelque anxiété. Rome, qui avait repoussé le plus, ferait-elle une concession pour avoir le moins ? Sortirait-elle de son intransigeance ? Une expérience récente ne permettait guère de le croire. Toutefois, nous cherchions à nous rassurer en pensant que les sociétés de secours mutuels étaient bien différentes des associations culturelles : un archevêque