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par la force. Les agitateurs leur parlent, hélas ! sans cesse de leurs droits sans mentionner leurs devoirs. C’est d’autant plus désastreux que, leurs revendications étant toutes d’ordre matériel, toute aspiration d’ordre spirituel est négligée.

Dans ces conditions, comment s’étonner si des hommes éminens se demandent avec anxiété en quoi le Japon a bénéficié de l’introduction des mœurs européennes ? Le docteur Otsuka, un éminent sociologue, pour répondre à cette question, a publié un article très intéressant sous le titre : La civilisation occidentale au Japon, article que le Daily Mail japonais a longuement critiqué. Le docteur Otsuka pose et essaie de résoudre le problème suivant : « Jusqu’où le Japon a-t-il été dans l’adoption de la civilisation européenne et jusqu’où, toutes choses considérées, est-il désirable qu’il aille dans cette direction ? Quelles sont les parties de cette civilisation qu’il s’est déjà assimilées, et quelle influence cette introduction a-t-elle eue sur le peuple et sur le pays ? Dans le premier chapitre de son Essai, il traite les quatre dogmes généraux, l’Individualisme, le Patriarchisme, le Naturalisme et le Cosmopolitisme ; ensuite, il examine l’attitude de l’esprit japonais en regard de la civilisation occidentale :


On ne peut douter, dit-il, de ce fait que, depuis une quarantaine d’années, un mélange de deux systèmes très distincts l’un de l’autre, celui du Japon ancien et celui de l’Europe ou de l’Amérique, a été appliqué. Or l’effet de l’influence occidentale sur la vie et les institutions japonaises reste tout extérieur et ne pénètre guère jusque dans les pensées, les sentimens et les goûts. Il y a quelques points sur lesquels nous semblons, aux yeux du monde, être tout à fait occidentalisés ; 1° le gouvernement est constitutionnel ; 2° l’armée et la marine sont calquées sur celles de l’Europe ; 3° la codification des lois, tout en conservant d’anciens usages et coutumes, est très nettement européenne ; 4° notre administration financière est occidentale ; 5° notre système d’éducation vient également de l’étranger. Vu du dehors, notre pays paraît avoir complètement changé. Mais, en pénétrant plus au fond, on retrouve les vieux sentimens, les vieilles idées, l’âme primitive du Japon, et on constate combien peu l’Occident a déteint sur l’Orient ! Le changement est un changement apparent et tout extérieur. Examinez, par exemple, l’attitude du peuple envers ce gouvernement constitutionnel. Presque aucun de ceux qui le composent n’a les idées fondamentales qui caractérisent les peuples qui sont gouvernés constitutionnellement en Occident.


Cette opinion n’est pas celle des auteurs étrangers qui, eux, jugent la transformation du Japon définitive et complète.

Le docteur Otsuka se demande ensuite :