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inévitables de la vie. Le souvenir de la maison paternelle reste ainsi inaltérablement serein. De cet attachement mutuel naît, sans aucun doute, l’affection et la gratitude, qui jouent un rôle si prépondérant dans toutes les phases de la vie. La première pensée est toujours d’être digne de ses aïeux, de ne point démériter, d’être fidèle aux héritages de la noblesse. Ce sentiment profond de dignité personnelle était la base de cette éducation familiale qui, quoique primitive peut-être en apparence, restait d’un si précieux secours. La famille n’est-elle pas la plus sûre garantie de l’ordre social ?

Maintenant, hélas ! c’est la vie intime qui est la première atteinte par les innovations récentes. Les lois non écrites ont perdu leur force, les liens d’affection sont brisés dans le combat incessant pour le bien-être matériel ; la discipline, les sentimens élevés sont sacrifiés aux tendances égoïstes. Le mal s’étend rapidement ; né dans les villes, il gagne les campagnes.... Que de changemens depuis la dernière guerre ! Sans parler des grèves fréquentes chaque fois plus sérieuses, nous assistons à de vraies batailles entre les mécontens et les représentans de l’autorité.

En débarquant l’autre jour à Yokohama, le premier journal qui me soit tombé dans les mains contenait trois paragraphes courts, mais caractéristiques. Le premier annonçait des troubles dans le Nord où, d’après les dernières nouvelles de Sapporo, les ouvriers des houillères de Honorai étaient encore en révolte et venaient d’être renforcés par deux mille ouvriers en grève. Un bureau de la compagnie, une station de police, cinq résidences officielles et deux puits avaient été détruits. Le deuxième paragraphe, tout aussi alarmant, racontait ce qui suit :


Par une dépêche de Tôkyô, nous apprenons que, hier, à deux heures, une bande de six cents grévistes a envahi les docks d’Uraya et a brisé les bâtimens de la Compagnie. La police, appelée en hâte, a été impuissante à rétablir l’ordre et on dut chercher des renforts à la caserne de Yosokusa. Plus tard et malgré l’arrivée de quatre-vingts sergens, il a fallu envoyer jusqu’à Yokohama pour des troupes.


Le troisième récit, triste aussi, racontait l’agitation dans le Sud parmi les ouvriers d’usine et des mines de charbon. Le journal ajoutait : « Les mineurs et les usiniers sont les plus ignorans et la classe la plus inflammable de toute notre population.