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Les parens ont pris l’initiative en se plaignant que leurs enfans échappaient à leur influence sans que l’école fit rien pour leur donner une direction. L’observateur le moins perspicace voit une sensible différence entre l’ancienne et la nouvelle génération, qui se traduit dans la tenue et la tournure d’esprit. C’est comme si les jeunes méprisaient toutes les qualités de race de leurs pères ; comme si les traditions de contrainte et de discipline étaient devenues autant de fardeaux inutiles. La politesse exquise qui rendait si charmans les rapports sociaux n’est plus qu’un souvenir du passé, et la proverbiale courtoisie qui fut, autrefois, tant vantée, n’est plus même mentionnée aujourd’hui dans les écrits sur le Japon, ou bien on en parle comme d’une désillusion.

Les journaux publient des plaintes souvent renouvelées à ce sujet et les étrangers résidant dans le pays en souffraient souvent. On dit communément que tout commerce avec les indigènes était autrefois plus agréable, leur manières plus polies. Les écoles publiques n’enseignent pas même les règles élémentaires de la bonne tenue, — la soi-disant éducation européenne n’est pas une éducation dans le sens correct du mot ; — le genre supposé modem n’est ni à recommander, ni à suivre. Il est curieux et attristant à la fois de constater combien un enfant change dès qu’il va à l’école. Les garçons se croient des hommes aussitôt qu’ils quittent la maison de leur père et s’imaginent être des citoyens indépendans. L’abandon du vêtement national, le kimono, remplacé par un pantalon et un habit de drap, marque déjà un grand changement, mais ce changement n’est rien en comparaison de la transformation intérieure. Toutes les traditions de famille sont regardées comme superflues, comme des défroques bonnes à jeter au rebut ; les blâmes et conseils des parens semblent appartenir au passé et ne sont plus écoutés. Les pères et les mères m’ont souvent parlé de ce sujet et se plaignent toujours de perdre l’affection et le respect de leurs enfans dès que ces derniers fréquentent les écoles où ils sont facilement entraînés par leur propre faiblesse ou par le mauvais exemples de leurs camarades.

Les pensionnats et collèges, où des centaines d’enfans logent dans deux ou trois pièces, sont aussi dangereux, — du moins c’est l’opinion de personnes compétentes et ayant l’expérience de ces choses.