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villes différentes, j’ai visité beaucoup d’écoles et de collèges. En même temps que les écoles primaires du gouvernement, lesquelles sont très bien installées, j’ai vu plusieurs lycées et écoles supérieures. L’instruction en général est très satisfaisante. L’enseignement des langues étrangères et surtout des connaissances techniques est tout à fait remarquable, et les examens sur ces sujets donnent les meilleurs résultats. L’éducation proprement dite, la formation du caractère se poursuit avec beaucoup moins de succès. Le grand défaut de notre système en Occident, de développer les sciences au détriment du côté moral et de préparer l’enfant à la lutte pour l’existence en lui donnant seulement des armes matérielles au lieu d’un appui spirituel, est aussi le défaut du Japon moderne. La tâche eût été beaucoup plus facile pour le Japon si on avait eu le soin de préserver l’esprit de discipline et de piété filiale des ancêtres, ces vertus qui étaient si profondément enracinées dans le cœur de tous ses enfans.

Dans l’espace d’un demi-siècle, on a beaucoup construit, mais on a beaucoup démoli aussi. On a accepté en bloc et sans grand discernement tout ce qui venait de l’étranger, le bien avec le mal. On a beaucoup sacrifié, et un éminent homme d’Etat japonais avouant lui-même ce fait, s’est exprimé ainsi : « Quelque regret que nous ayons de le dire, il semble que les Japonais soient en train de perdre les principes dirigeans de leurs anciennes mœurs, et que leurs rapports avec les étrangers aient ébranlé leur antique moralité : amener le peuple à s’imaginer la liberté en dehors de toute contrainte et de tout devoir est la caractéristique de l’idéal européen. »


IV

Tel était l’état général du Japon à la veille de la dernière guerre, et je ne fus pas médiocrement surpris en y revenant, il y a quelque temps, de constater un aussi grand changement. L’éducation morale et la formation du caractère, jusqu’à présent plus ou moins négligées, semblent aujourd’hui sous le nouveau régime absorber l’attention des hommes politiques, des hommes d’État autant que celle des lettrés et des instructeurs du pays. La presse traite le sujet quotidiennement ; il est en réalité devenu la question du jour. L’éducation morale est le problème que le pays entier cherche à résoudre.