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intrépide rappellent beaucoup ceux des condottieri d’Italie de la même époque et, comme homme d’État, il nous fait penser à ce génie prodigieux, l’auteur de Il Principe. Il a formulé les codes et les règles sur lesquels ses successeurs devaient fonder leur autorité dans un célèbre testament politique appelé le Legs de Yeyasu. Ce document, dont l’authenticité est contestée, est du plus grand secours pour l’étude des vieilles lois japonaises ; car, même en supposant qu’il n’ait pas été écrit par le premier des Tokugawa dans la forme qu’il revêt aujourd’hui, il n’est pas douteux qu’il soit l’expression fidèle des principes sur lesquels leur pouvoir était établi et qu’il contienne la substance même du Code qui leur permit de faire respecter l’ordre dans leurs États.

L’obéissance était considérée comme la première des vertus domestiques. Le père, en sa qualité de chef de la famille, exerçait l’autorité suprême, sa femme et ses enfans lui étaient entièrement soumis ; sa parole faisait loi, et leur premier devoir était de satisfaire ses volontés. L’état patriarcal, si cher aux races orientales, fut instauré au Japon par ses premiers conquérans et, dans les plus anciennes annales comme dans les traditions préhistoriques, nous retrouvons ces tendances nationales. Quand le peuple enfin commença à sortir de son enfance, il accepta la civilisation chinoise avec toutes ses croyances et ses manifestations variées.

Les principes sociaux étaient toujours ceux de Confucius et les aspirations spirituelles des Japonais trouvaient satisfaction dans les doctrines de Lao-tse et du Bouddha. Leur existence morale et matérielle s’appuyait sur les préceptes de ces célèbres philosophes asiatiques qui cherchaient à réaliser la puissance de leur pays et le bonheur de leur peuple en prêchant l’abnégation et en fondant des institutions étayées sur la discipline. Les conditions extérieures du pays, sa position géographique et ses ressources naturelles, et surtout le tempérament de la race devaient modifier la doctrine.

Plus actifs et plus guerriers que les Chinois, leur vie a toujours été d’une nature plutôt agitée que contemplative, et ils ont évidemment préféré l’exercice à la méditation. Mais, en dépit de la différence apparente de caractère, et quoique les coutumes dans les deux empires voisins aient eu une influence sur leur façon de concevoir l’existence même, leur Weltanschaung, comme disent si bien les Allemands, était à peu près le même.