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facilite singulièrement les épreuves. Mais, pour réussir, que d’autres qualités ne faut-il pas avoir ? La précision du diagnostic n’est pas une affaire de mémoire, non plus que la facilité de l’élocution, ou l’ordonnancement logique d’une leçon. Le jugement, le bon sens, la finesse, la clarté sont les qualités qui distinguent les plus brillans candidats. Quelle part la mémoire y prend-elle ?

En outre, dans les récens programmes, les épreuves dites de mémoire sont réduites à un minimum. Dans les concours d’agrégation, il n’existe plus qu’une seule épreuve de mémoire : c’est la leçon de trois quarts d’heure, faite après trois heures de préparation sans notes préalables ; or, généralement, les juges attachent plus d’importance à la leçon d’une heure, pour laquelle le candidat a eu quarante-huit heures de préparation, et peut apporter tous les livres et documens dont il lui plaira d’user.

Venons à l’autre objection, celle qui consiste à dire « que le concours n’est pas un concours, que les places sont attribuées par avance, et que les juges ne se donnent pas la peine d’écouter les candidats : car leur siège est fait, et leur préférence arrêtée. »

Le reproche serait terrible, s’il était justifié. Mais il n’est pas justifié.

Et d’abord, quand il s’agit d’apprécier la valeur d’une épreuve, l’appréciation n’est pas aussi simple que le bon public le croit. J’admire toujours la facilité avec laquelle ce public, qui n’est pas responsable, juge la valeur de telle ou telle épreuve, et décide, sans hésiter, aussi partial que le moins impartial des jurys. Un juge éclairé, et soucieux de son devoir de juge, éprouve parfois de terribles perplexités, que le public, dans son incompétence et son irresponsabilité, ignore. Rarement deux épreuves se ressemblent. Elles ont des qualités différentes, et des défauts différens. Quelle part faire aux unes et aux autres ? Celui-ci a commis une énorme omission, voire une grave erreur ; mais sa leçon a été par ailleurs excellente. Celui-là n’a laissé échapper ni erreur, ni omission ; mais sa leçon est plate et vulgaire. Lequel doit être préféré ? L’un a exposé brillamment une théorie contestable ; l’autre a péniblement développé une théorie juste. Qui des deux est le plus digne ? L’un a concouru avec éclat ; mais il est tout jeune, et