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C’est d’ailleurs une légende que de croire à l’efficacité des recommandations. J’en parle en connaissance de cause, ayant fait passer dans ma longue carrière près de dix mille examens, et ayant entendu les délibérations de mes collègues relatives à l’admission ou au refus de tel ou tel candidat. Eh bien ! en dépit de la légende, les recommandations ne comptent pas. Pour ce qui me concerne, quand on m’en adresse, ce qui est assez rare, je tache de ne m’en pas souvenir ; car, si je m’en souvenais, ce serait pour être sévère au candidat recommandé.

L’enseignement de notre Faculté n’est certes pas irréprochable ; car le nombre croissant d’élèves et la pénurie des ressources budgétaires rendent toute organisation très difficile. Pourtant, en bonne justice, il est parfaitement suffisant pour les étudians qui veulent en profiter. On pourrait d’ailleurs prendre quelques mesures assez simples, qui seraient efficaces, — ne fût-ce que d’augmenter d’une année la durée minimum des études, — pour permettre des études plus approfondies dans les cliniques spéciales. On pourrait exiger un examen d’entrée ; car le baccalauréat et le certificat d’études (P. C. N.) ne constituent pas un barrage suffisant pour empêcher l’accession de certaines nullités encombrantes aux études médicales.

Avant tout, il faudrait donner, aux jeunes gens qui veulent faire de la science, des situations un peu mieux rémunérées. C’est à grand’peine qu’on peut recruter des travailleurs dans nos laboratoires ; car les émolumens des préparateurs, moniteurs, assis- tans sont misérables. Avec 2 000 francs par an, un homme de trente ans, qui a femme et enfans, ne peut pas vivre à Paris. Alors, poussé par la nécessité, il délaisse le laboratoire, pour faire quelque clientèle. Si les jeunes savans étaient riches, ils pourraient se donner l’agréable luxe des recherches scientifiques désintéressées, sans rien demander à l’État : mais les jeunes savans sont tous pauvres, et ils ne consentent pas, pour l’amour de la science, à mourir de faim. Ils se jettent alors dans la pratique médicale ; ce qui à certains égards est fâcheux ; car la pratique médicale conduit rarement à des travaux originaux et importans dans le domaine de la médecine même.

Il me reste à aborder le recrutement du personnel enseignant.

Ce mode de recrutement est le concours. Car, dans les Églises de médecine, si les examens conduisent au diplôme, on n’arrive que par le concours aux grades un peu élevés. C’est à la suite d’un