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prouver qu’elle est beaucoup plus incertaine. Mais la comparaison n’est pas légitime. La médecine n’est pas seulement une science, c’est un art. Et on n’a rien compris aux choses de la médecine, si l’on ne sépare pas résolument la science médicale de l’art médical. La science médicale, c’est la pathologie ; l’art médical, c’est la clinique, c’est-à-dire, pour un cas déterminé, le diagnostic, le pronostic et le traitement.

Or la pathologie est une véritable science, qui a, comme toute science, ses faits, ses lois, ses méthodes. Elle a fait, depuis Pasteur, de merveilleux progrès. Sur la cause et l’évolution des maladies, des milliers de mémoires ont été écrits, qui renferment tous quelque vérité nouvelle, petite ou grande, si bien qu’un traité complet de pathologie comporterait une douzaine de très gros volumes, pour le moins. Ces documens innombrables sont en même temps des documens positifs ; c’est-à-dire que les faits sont vrais, et les observations exactes. Mais, malgré tout ce luxe de détails, la pathologie n’est pas une science terminée, parachevée : et il n’est pas permis de mettre le mot fin à ces douze volumes ; car chaque année de nouveaux faits sont découverts, et quelques-uns modifient les données antérieures. Autrement dit, la pathologie est une science qui évolue.

N’en est-il pas de même de toutes les autres ? Quelle est-elle donc, la science qui a terminé sa course ?

On a comparé ingénieusement la science acquise à une sphère : le volume de cette sphère est plus ou moins grand suivant la masse des connaissances acquises. Quant aux connaissances à acquérir, c’est l’infini. Elles sont représentées par l’espace qui entoure la sphère. Or les découvertes nouvelles ne se feront qu’à la surface de la sphère, surface d’autant plus étendue que le volume de la sphère elle-même est plus considérable, de sorte que, plus la science (c’est-à-dire la sphère) s’est accrue ; plus le nombre des découvertes à faire devient considérable, tout en restant quantité négligeable, par rapport à la masse immense et presque infinie des choses qui restent à connaître. Cela est vrai de la chimie, de la physique, de la physiologie. Pourquoi ne pas supposer que ce sera vrai aussi de la pathologie ?

Et qui oserait dire que la pathologie n’est pas une science ? Il y a autant de certitude dans l’évolution de la tuberculose chez un lapin inoculé avec le bacille tuberculeux, que dans le dosage