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pour un Français du XVIIIe siècle, en qui se débattaient les enseignemens de l’Encyclopédie et les traditions chevaleresques ! Il s’emporta, il s’indigna contre la barbarie asiatique, il proféra de telles invectives contre les oppresseurs de la Grèce, que, dix ans plus tard, l’Europe consentit enfin à la délivrer. Les Hellènes lui doivent en partie le mouvement d’opinion qui hâta leur liberté, — et la France, la reprise de sa politique séculaire dans les « Echelles du Levant. »

Aujourd’hui, hélas ! nous avons singulièrement rétrogradé en Orient ! Lorsque Chateaubriand y arriva en 1806, il n’y avait plus guère que des religieux pour y représenter la France. En 1906, après trente ans d’abandon et d’effacement systématique, il n’y a plus que les Congrégations expulsées de notre pays qui rappellent aux Orientaux que nous ne sommes pas encore une nation morte.

Et c’est pourquoi cette date du 18 août 1806 me paraît d’une si haute signification historique. L’héroïsme de Sparte, évoqué sur les berges de l’Eurotas par un voyageur breton, ressuscita, par contre-coup, dans notre France, quelque-chose de l’héroïsme des Croisades. Parce que François de Chateaubriand dormit deux nuits aux lieux où fut Lacédémone, l’Orient redevint français pendant un demi-siècle...


VII. — LE PALAIS DES DESPOTES

Au pays de Sparte, il y a une grande beauté : Mistra ! A l’exception de l’Acropole d’Athènes et de l’Acro-Corinthe, je ne connais pas, en Grèce, une seule ruine qui mérite autant d’être vue. Sa citadelle fut élevée, au XIIIe siècle, par un des nôtres, Guillaume II de Willehardouin, ensuite la ville proprement dite se développa sous l’administration des Paléologues, qui avaient fini par expulser les Latins. Bâtie en amphithéâtre sur une déclivité du Taygète, divisée en ville basse, ville haute et camp retranché, close de multiples enceintes, elle offre peut-être le type le plus complet de la forteresse byzantine du moyen âge.

On y accède par de jolis chemins qui enjambent, sur des ponts rustiques, les affluens de l’Eurotas, — la Magoula, le Pantoleimon, le Trypiotiko. On traverse des bois de pins, des plantations d’oliviers. A mesure qu’on se rapproche de la montagne, la route s’ombrage de figuiers et de platanes. Puis, c’est l’ancien