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insisté sur ce point, et je crois qu’il sera d’avis, comme vous, de demander le contingent de 100 000 hommes. » Il renouvelle son désir le 27 janvier : « N’oubliez pas d’aller voir M. Thiers et d’obtenir de lui qu’il soutienne le contingent et l’effectif. » Thiers fut sensible à cette démarche de Le Bœuf, l’accueillit très bien, conféra longuement avec lui, promit son concours et tint parole. Sans se laisser influencer par les railleries de Jules Favre sur ses nouveaux cliens, il vint soutenir l’argumentation du maréchal, en reconnaissant « que le ministre de la Guerre, avec le sens supérieur qui le distingue et sa rare facilité de parole, avait répandu des lumières suffisantes pour nous éclairer tous. » Il eut au contraire un coup de boutoir très dur pour ses amis : « Pour parler de désarmement dans l’état actuel de l’Europe, il faut être un imprudent et un ignorant. Il y a un assaut de prudence en ce moment, pour ainsi dire de sagesse, entre les Cabinets étrangers et le Cabinet français ; mais il y a des événemens qui pourraient mettre en défaut toutes ces sagesses coalisées aujourd’hui pour la paix. Les vrais politiques ne veulent pas réduire leur pays à dépendre de la sagesse d’autrui. (Vive adhésion.) Savez-vous pourquoi la paix a été maintenue ? C’EST PARCE QUE VOUS ÊTES FORTS. (Oui ! oui ! Très bien ! très bien !) Lors de l’affaire du Luxembourg, la France n’était pas dans l’état où elle doit être pour être respectée. Ce qui l’y a replacée, ce sont les armemens dus à M. le maréchal Niel, avec lequel on peut différer sous le rapport du système d’organisation, mais avec lequel on ne peut que se trouver d’accord sur l’ardeur qu’il a mise à précipiter nos armemens. Le maréchal Nid a rendu au pays un service immense. Soyez convaincus que ce qui maintient la paix, c’est l’opinion qu’on a du bon état de l’armée française. Si donc vous voulez la paix, croyez-moi, je connais assez l’état de l’Europe, restez forts. Je suis pour la paix, mais pour que nous la conservions, il faut que nous RESTIONS IMPOSANS. »

Et pour écarter cette chimère du désarmement préconisée par ses amis, il s’attacha à démontrer que nous n’étions pas sur le pied de paix armée, c’est-à-dire « dans l’état de mobilisation ou de concentration auquel on ne recourt qu’à la veille du jour où le canon va tonner, » et qu’ainsi, nos régimens, ne comptant que 1 300 hommes, n’étaient pas au complet du pied de guerre. Mais il ne dit pas, comme il l’a prétendu depuis, « que nous étions sur le pied de paix désarmée et que rien n’était prêt en France. »