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général à François-Joseph. Afin de n’éveiller aucun soupçon, la rencontre eut lieu dans une allée du parc de Laxenbourg (14 juin). François-Joseph dit : « L’archiduc m’a rendu compte des questions qui ont été traitées entre lui et vous. Je ne puis qu’approuver les moyens proposés pour l’exécution du plan dont il m’a parlé, au point de vue militaire. Mais je dois vous dire qu’avant tout, je veux la paix ; si je fais la guerre, il faut que j’y sois forcé. Je me plais à espérer que l’empereur Napoléon voudra bien tenir compte de ma situation personnelle politique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Si je déclarais la guerre en même temps que lui, il n’est pas douteux que, exploitant de nouveau l’idée allemande, la Prusse pourrait surexciter et soulever à son profit les populations allemandes, non pas seulement chez elle et dans l’Allemagne du Sud, mais aussi dans l’Empire austro-hongrois, ce qui serait très fâcheux pour mon gouvernement ; mais si l’Empereur, contraint d’accepter ou de déclarer la guerre, se présentait avec ses armées dans l’Allemagne du Sud, non en ennemi, en libérateur, je serais forcé de mon côté de déclarer que je fais cause commune avec lui ; aux yeux de mes peuples, je ne saurais faire autrement que d’unir mon armée à l’armée française. Voilà ce que je vous prie de répéter à l’empereur Napoléon ; j’espère qu’il verra comme moi ma situation politique intérieure et extérieure. » Lebrun répondit qu’à son départ de Paris, il n’avait été autorisé en aucune façon à parler à Vienne de la question politique, dont Sa Majesté venait de l’entretenir, mais que, cependant, il croyait pouvoir dire que si l’Empereur l’avait envoyé vers l’archiduc, après engagement pris entre lui et Son Altesse Impériale, c’est que Sa Majesté avait sans doute considéré qu’il était prudent, eu égard à la situation de l’Europe, de chercher à établir dès à présent, entre les deux souverains de France et d’Austro-Hongrie, une entente qui fit que, d’un côté comme de l’autre, on n’eût pas à craindre d’être pris en flagrant délit de non-préparation, si, sans le vouloir ou sans désirer la guerre, on était tout à coup forcé de l’accepter ou de la déclarer soi-même. François-Joseph approuva fort ce motif de prudence et continua la conversation sur d’autres sujets. Lebrun rentra à Paris par Munich, Ulm, Stuttgart, Mayence (21 juin). Il reçut peu après le plan de l’archiduc et le remit à l’Empereur en lui rendant compte de sa mission en présence de Le Bœuf.

L’Empereur approuva sa réponse aux paroles de François-Joseph.