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l’empereur d’Autriche ; il se décida donc à envoyer à Vienne le général Lebrun dans le plus strict incognito. Une conférence militaire lui paraissait indispensable avant le départ du général ; elle eut lieu le 19 mai entre l’Empereur, Le Bœuf, les généraux Frossard et Jarras. L’Empereur répéta que « son gouvernement s’efforçait de maintenir la paix et que rien dans ses relations avec les puissances étrangères ne faisait présager qu’elle pût être troublée, au moins prochainement ; » c’était académiquement qu’il s’agissait de discuter un plan de coopération avec l’Autriche. Il présenta les idées de l’archiduc, les siennes ; les généraux firent leurs remarques, et la plus grande latitude de discussion fut laissée à Lebrun sur le plan à adopter, en partant de cette donnée du maréchal Niel que la France pouvait mobiliser 400 000 hommes en quinze jours.

Lebrun se rendit à Vienne en faisant un détour par Cologne, Berlin, Dresde, Prague (28 mai). Il n’emportait aucun document, de peur que les Prussiens ne le fissent arrêter sous un prétexte et ne saisissent ses papiers, comme cela était arrivé déjà à plusieurs officiers d’état-major. On les lui envoya directement à l’ambassade. Le lendemain de son arrivée à Vienne, il commença ses entretiens avec l’archiduc Albert (7 juin) au château de Bader. Un plan fut étudié et établi en détail. L’Empereur eût voulu que l’Autriche et l’Italie s’engageassent, si une guerre éclatait à l’improviste, à mobiliser et à déclarer les hostilités en même temps que la France ; l’archiduc soutint que ce n’était pas possible : l’Autriche, pour mobiliser, aurait besoin de quarante-deux à quarante-cinq jours, mais elle pourrait promettre de donner l’ordre de mobilisation en même temps que la France, ce qui suffirait pour inquiéter la Prusse, paralyser une portion de ses ressources et nous permettre de commencer seuls avec succès. Le général fit remarquer qu’à la mesure de la mobilisation, l’Autriche pourrait encore joindre l’envoi de quarante mille hommes aux frontières vers Pilsen, et autant aux frontières de la Silésie vers Olmütz avec les effectifs de paix, afin de ne pas perdre de temps. L’archiduc y consentit. Les conférences finies (il y en eut quatre), le général Lebrun en rédigea un résumé et le soumit à l’archiduc en le priant de le revoir et de s’assurer de sa fidélité, « Je ferai mieux, répondit l’archiduc, je rédigerai moi-même le plan et je vous l’enverrai à Paris par voie sûre. » Il lui exprima ensuite le désir de présenter le