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« de n’être pas intervenu directement, comme c’était son devoir, auprès de la Confédération helvétique pour se faire rendre compte des mesures que cette confédération songeait à prendre pour sauvegarder sa neutralité. » Et revenant encore à Sadowa, il déclare au milieu des exclamations « que c’est par une bonne politique (sans dire laquelle) que nous pourrons, je ne dis pas guérir, vous ne guérirez jamais la plaie de Sadowa, c’est un malheur irréparable, du moins l’atténuer. » Si nous avions fait nôtre une seule de ces propositions ; si, avec Estancelin, Kératry, Emmanuel Arago, nous avions parlé avec menace du traité de Prague ; si, avec Ferry, nous avions exigé d’être parties à la Convention de Berne, dès le lendemain un cri de colère se fût élevé en Allemagne et la guerre eût éclaté aussitôt. Et ils se sont prétendus pacifiques, et ils nous ont accusés d’avoir été belliqueux ! (20 juin.)


IX

Une démarche de l’Empereur, faite en dehors de nous dans ce mois de juin, pourrait seule, mal connue et mal interprétée, donner lieu de croire qu’à l’abri des déclarations pacifiques de son ministère, il préparait sous main et à notre insu une offensive belliqueuse. Un mois environ après le départ de l’archiduc Albert, il appela Le Bœuf et lui dit qu’il venait de recevoir de ce prince une lettre embarrassante : pendant un séjour qu’il avait fait à Paris, on lui avait communiqué le plan d’organisation éventuelle des armées de Niel ; l’archiduc en blâmait certaines dispositions, notamment la subdivision en trois armées ; il préférait une seule armée, divisée en plusieurs corps, sous le commandement suprême de l’Empereur ; il demandait d’envoyer à Vienne un officier de confiance chargé d’arrêter les détails d’une coopération militaire de la France et de l’Autriche.

Le Bœuf observa que cette démarche serait bien grave, et ressemblerait à une entente en vue de la guerre, qui contredirait la politique du Cabinet. L’Empereur en convint, et dit qu’il ferait une réponse évasive. L’archiduc réitéra sa demande en ajoutant que François-Joseph connaissait sa démarche et l’approuvait. L’Empereur appela encore Le Bœuf : quoique peu enclin à accéder au désir de l’archiduc, il ne pouvait cependant s’y refuser et repousser ses avances, sans blesser le prince et