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Pour que le complot arrivât à son entière conclusion, il ne manquait plus que le consentement des princes. Bismarck activa de ce côté la besogne : le prince Antoine étant déjà favorable, le Kronprinz se mit à endoctriner son ami Léopold, qui, sous ces insistances jointes à celles de sa femme, commença par éprouver des scrupules de son refus, d’abord à cause de ses devoirs vis-à-vis de la maison de Hohenzollern, ensuite à cause de son pays et de son prestige, et qui finalement en vint à un demi-assentiment (28 mai).

Cependant les Espagnols s’impatientaient. Salazar pressait chaque jour Lothar Blücher d’obtenir une solution définitive. « Qu’à cela ne tienne, dit Lothar, partons ensemble et allons chercher le consentement qu’on ne nous envoie pas, » Et ils partent tous deux, voyageant séparément tant qu’ils sont en France, de crainte qu’on ne les reconnût, et ne se réunissant que sur le territoire allemand. lisse rendent auprès des princes, joignent leurs instances à celles à demi victorieuses dont Léopold est assailli et ont la satisfaction d’entraîner son acceptation complète. Léopold se résout « à laisser de côté les considérations personnelles, à ne plus se laisser guider que par des nécessités d’ordre supérieur parce qu’il espère rendre un grand service à son pays[1]. »

Quel grand service à rendre à son pays, quelles nécessités d’ordre supérieur le décidaient ainsi à laisser de côté ses considérations personnelles ? c’est-à-dire à se conduire en malhonnête homme vis-à-vis de l’empereur Napoléon ? Que les historiens allemands et leurs copistes français répondent à ce point d’interrogation ; qu’ils nous disent en termes précis quel grand service un Hohenzollern pouvait rendre en ce moment à son pays en Espagne, si ce n’est celui d’obliger la France à cette attaque exigée par l’état intérieur de l’Allemagne ? C’est le leitmotiv de ce récit ; je le reprendrai sans me lasser.

Le consentement du prince obtenu, les deux envoyés se séparent, Lothar Bûcher va à Berlin avec la réponse de Prim, et Salazar retourne à Madrid porter le consentement des princes.

  1. Ce sont les expressions du Journal de Charles de Roumanie. Celui-ci note au 4 juin l’acceptation dont il donne les motifs : c’est le jour où il en a eu connaissance à Bucharest. L’acceptation elle-même est antérieure de quelques jours.