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dans la confiance du peuple français. La portée de ce résultat est d’autant plus considérable, que cette fois une pleine liberté a présidé au vote populaire et que ce vote a même été précédé d’une vive agitation (18 mai). »

Les garanties que ce succès donnait à la consolidation de la paix n’échappaient à personne en Allemagne : « Le gouvernement impérial, écrivait la Correspondance de Berlin (11 mai 1870), peut être assuré que bien d’autres millions de « oui, » dans l’Europe entière, font écho à ceux du suffrage universel français. De ce côté-ci du Rhin, particulièrement, la politique loyale et généreuse de Napoléon III, fidèle à ses principes, respectant les droits des autres peuples, animée d’un zèle sincère pour le maintien de la paix, s’était acquis déjà des sympathies d’autant plus vives et d’autant plus méritées que les partisans des anciennes dynasties en France continuaient à soutenir les anciennes traditions de conquête et de suprématie, et que les ultra-libéraux eux-mêmes, cherchant à égarer le patriotisme français, en sont encore à représenter Sadowa comme une défaite pour la France. » Ces perspectives rassurantes accéléraient le mouvement importun en faveur du désarmement. Dans les États du Sud, on se montrait de plus en plus hostile à l’accroissement des forces militaires ; la Commission des finances de la Chambre bavaroise était à la veille de réduire la durée de présence sous le drapeau à huit mois pour l’infanterie, de supprimer deux régimens de cuirassiers et deux de cavalerie, de faire cesser la division de l’armée en régimens et de supprimer ainsi tous les emplois de colonels et lieutenans-colonels. (Ce fut en effet décidé le 11 juin.)

De toutes les manières et partout les affaires de l’Unité marchaient décidément mal. Une tentative des Badois, pour en obtenir l’affirmation par le Parlement douanier, avait été repoussée par la Bavière et le Wurtemberg. L’abstention des Bavarois, le peu d’empressement des Saxons et des Hessois et d’une partie des Prussiens eux-mêmes avaient réduit l’assemblée à un tiers de ses membres (27 avril). On se demandait à Berlin si on n’allait pas être contraint de renoncer à la conquête de l’Allemagne et de retomber à n’être plus que la Prusse. « La situation intérieure, a avoué Ottokar Lorenz, ne pouvait se dénouer que par une attaque de la France. » Et il était certain que la France ne prendrait pas l’initiative de cette attaque. Il fallait donc l’y provoquer.