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guerre inutile. Quoique le plébiscite n’eût pas tranché directement la question de paix ou de guerre, il avait donc été indirectement un fait pacificateur par l’apaisement qu’il avait apporté dans la situation intérieure du pays. Il avait encore accru, si c’était possible, notre volonté pacifique. Nous avions été touchés de la confiance et de la fidélité du peuple des campagnes, et comme la paix est le principal de ses intérêts, le plus constant de ses désirs, plus que jamais nous nous croyions tenus à la sauvegarder avec sollicitude. On va retrouver ces dispositions dans la conduite des affaires militaires, aussi bien que dans celles des affaires diplomatiques et de l’action parlementaire. Je n’invoque qu’un seul témoignage, à cause de son importance décisive, celui de Blondeau, directeur des services administratifs au ministère de la Guerre, sans la participation duquel aucun préparatif militaire n’était possible[1]. Le président de la Commission des marchés instituée, après la paix de Francfort, insinuait que la pensée de la guerre remontait au plébiscite : « Il est bien étonnant, répondit Blondeau, que le gouvernement ait eu trois mois à l’avance le projet de cette guerre, car le ministre de la Guerre, qui me témoignait une grande confiance, ne m’en a jamais laissé entrevoir la préoccupation ; tout au contraire. Ainsi, au mois de mai 1870, alors que nous discutions le budget, je lui remis la note que j’ai eu l’honneur de vous lire et où je lui demandais un crédit de trois millions. Il me fit une scène extrêmement vive, se plaignant que, pour le service administratif, je voulais absorber une trop forte partie du budget, disant que, depuis le plébiscite, nous étions absolument à la paix et qu’il n’y avait aucune prévision de guerre. Il me semblerait bien étrange qu’on ait préparé une campagne au moment où on me tenait ces discours[2]. »

Prétendre que le plébiscite a été une des causes de la guerre n’a pas le sens commun, si l’on regarde du côté de la France. C’est au contraire très vrai si l’on regarde du côté de Bismarck. La victoire de Napoléon III lui fut une surprise désagréable. Il avait supposé que le régime libéral conduirait l’Empire à sa ruine et il constatait que ce régime l’avait au contraire fortifié : « Le résultat de cet appel de l’Empereur, disait sa Correspondance provinciale, a montré quelles profondes racines a le gouvernement

  1. Il a été depuis, au Conseil d’État, un fonctionnaire de la République.
  2. Commission des marchés.