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révoltée. Cette révolte s’est produite spontanément : on ne peut pas dire que les manifestations électorales du parti radical et radical-socialiste y aient été pour grand’chose. Rien de plus pitoyable que les tergiversations de ce parti. A la suite du congrès de Nancy, il avait paru vouloir répudier avec quelque énergie les doctrines de M. Hervé et les faiblesses ou les complaisances de M. Jaurès ; mais, à mesure que des élections approchaient, il a mis une sourdine à ses protestations et s’est réfugié dans l’équivoque pour essayer de sauver ce qui reste encore du Bloc. Il a rédigé plusieurs manifestes à travers lesquels on a quelquefois aperçu le désaveu de l’anti-patriotisme, mais où on a toujours senti le désir très vif de ne pas se séparer définitivement des hommes qui le professent. A la veille des élections de ballottage du 10 mai, le parti radical et radical-socialiste a cru toutefois devoir faire un effort un peu plus marqué que les précédens, et il a engagé ses fidèles à voter pour les candidats de gauche qui leur auraient « donné sans ambiguïté les garanties que réclament : d’une part leur souci légitime de la réalisation des réformes démocratiques, et, de l’autre, leur attachement à la patrie. Mais cela est bien court et reste bien vague, surtout quand on le rapproche des manifestes précédens. Si le parti radical et radical-socialiste condamne l’ambiguïté chez les autres, il ne se fait pas faute de la pratiquer pour son propre compte. Il se contente de repousser les candidats qui préconiseraient formellement « la désorganisation des armées de la République, soit par la désertion en temps de paix, soit par l’insurrection et la grève générale devant l’ennemi. » Où sont-ils, ces candidats ? On les chercherait probablement en vain. A l’exception de M. Hervé lui-même et de quelques rares énergumènes, les patriotes tièdes ou indifférens et les adversaires des armées permanentes ne procèdent pas par des affirmations aussi tranchées ; mais leur propagande, pour être plus réservée dans son expression et plus sournoise, n’en est pas moins malfaisante, et ce n’est pas par des formules à double entente qu’on peut en combattre les effets. Or le parti radical et radical-socialiste n’en a pas employé d’autres au cours de toute la campagne électorale ; il n’a pas prononcé une seule fois une de ces paroles claires, nettes, vibrantes, au sens desquelles il est impossible de se tromper ; sa principale préoccupation a été de tout ménager.

Les élections municipales ont été la préface de la réunion du Parlement, qui aura lieu le mardi, 19 mai : les Chambres reprendront à cette date leur session ordinaire qui a été interrompue par celle