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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE : Simone, pièce en trois actes, par M. Eugène Brieux.


Dans ses dernières pièces M. Brieux s’était montré fort préoccupé de porter à la scène certaines thèses morales et sociales. Il l’avait fait avec quelque excès. L’exposé dogmatique empiétait sur les parties de drame et les nécessités de la démonstration ralentissaient le mouvement scénique : le théoricien refoulait le dramaturge. La critique, qui demande d’abord aux auteurs dramatiques d’être des écrivains de théâtre, lui en avait fait le reproche. Il a lui-même senti le danger. Aussi vient-il, fort à temps, de donner dans la direction contraire un vigoureux coup de barre. Simone est une œuvre d’une conception justement opposée. Dans ces trois actes où les péripéties se succèdent sans trêve, se serrent, se pressent et nous tiennent haletans, on chercherait en vain un développement, je ne dis pas qui fasse longueur, mais qui ménage au spectateur un repos. Ni discussions d’idées, ni exposés de sentimens, ni peintures de mœurs, mais de l’action, encore de l’action, rien que de l’action. La pièce est tout en muscles ; même elle a comme aurait dit le bon Tartarin, les doubles muscles.

La construction en est assez déconcertante. C’est, à vrai dire, une pièce en deux actes, précédée d’un prologue. Et le prologue est à lui seul une pièce entière, — une pièce à donner la chair de poule. Cela commence à la manière des drames de Maeterlinck. Dans une chambre qui fut longtemps close, à laquelle on rend un peu d’air et de jour, des servantes vont et viennent, échangeant, d’un air de confidence, des propos décousus, dont la banalité nous laisse à deviner de mystérieux dessous et des prolongemens ineffables. « C’est pour aujourd’hui… — Si le médecin le permet… » L’angoisse nous prend : elle ne nous lâchera plus. Dans cette chambre de l’ombre, du sommeil