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ROIS EN EXIL
LES BOURBONS ÉMIGRÉS
(1789-1814)

Le Premier Consul arpente nerveusement la pièce où il reçoit deux « chouans ; » d’Andigné et Hyde de Neuville sont là, debout, discutant les conditions de la soumission. Si royalistes qu’ils soient, ils ne peuvent, — car ce sont hommes d’action, — se défendre d’une sympathie faite d’admiration pour ce maître d’énergie qui les harcèle : car lui prétend obtenir mieux qu’une soumission, un ralliement. Il les veut détacher des « princes : » « Ils n’ont rien fait pour la gloire. Ils sont oubliés. Que n’étaient-ils en Vendée ! C’était leur place ! — Leur cœur les y a appelés, réplique d’Andigné (d’une voix qui doit être mal assurée) ; la politique des puissances étrangères les en a toujours éloignés. — Il fallait se jeter dans un bateau de pêche ! » Les deux royalistes, décidés cependant à ne rien céder, restent cois devant le cri de l’énergie.

Le « cœur » des Bourbons les a-t-il appelés en Vendée ? Est-ce la seule « politique des puissances » qui les en a tenus éloignés ?

J’ouvre les savoureux Mémoires de Mme de Boigne ; j’y relis une scène déjà connue, mais que cette piquante dame vient confirmer :

Quiberon est d’hier, et la reculade du Comte d’Artois. « La lâcheté de votre frère a tout perdu, » a écrit Cadoudal à « Louis XVIII, » dit-on. Une seule chance de se relever reste au prince, — et à la cause : que le prince se jette sur la côte normande ; l’enthousiasme soulèvera les populations ; Frotté, frère