Maintenant vieux et seul, tout le jour il se couche
Au revers d’un fossé, morne et les pieds pendans ;
Il tend sa main sordide en pleurant d’un œil louche,
Et, juste Dieu ! je crois qu’il prie entre ses dents !
On lui promet le ciel, à lui ! chien qui se vautre
Et pour leurrer sa faim quête au hasard du lieu ;
Il n’en pourrait jouir qu’en devenant un autre,
Mais l’être que voilà, qu’en feras-tu, mon Dieu ?
Dis : « Je me suis trompé, j’ai failli, je l’avoue ;
J’ai seulement mêlé sous le plus laid contour
Le moins d’âme possible avec le plus de boue ;
Mon œuvre est repoussante, injuste et sans amour. »
Et cependant voici qu’une admirable fille
S’avance. Elle a seize ans, son visage est vermeil,
Sa chevelure au vent se soulève et scintille
Comme une cendre d’or dans les feux du soleil ;
Sa bouche est une fleur à quelque Eden ravie,
Sa grâce embaume l’air de sa chanson joyeux ;
Le printemps de la terre et celui de la vie
D’une double jeunesse animent ses grands yeux.
On dirait que l’Amour, pour veiner sa poitrine,
D’ailes de papillons a formé ses pastels ;
On dirait qu’elle est née en un lit d’églantine
Du plus tendre baiser des deux premiers mortels.
Elle a vu ce vieillard honni de tout le monde,
Elle s’est arrêtée au milieu du chemin ;
Puis elle a sur son cœur penché sa tête blonde,
La pitié dans les yeux et l’aumône à la main.