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Ainsi tout serait bien sans la couleur qui, par une double et singulière rencontre, se trouve être violente et n’être point lumineuse, criarde, et ne point même « chanter. » M. Henri Martin a passé sa vie à chercher des accords de couleurs très hasardeux, dans les notes très bautes, où la moindre dissonance déchire l’œil. Il parvient tout près de son but, d’ordinaire, et, une fois au moins, il l’a rempli et a fait une harmonie exquise : les Faucheurs, qui sont un chef-d’œuvre. Mais il n’est point toujours aussi heureux. On peut passer des jours sans nombre sous les oliviers, au bord de la Méditerranée, sans voir une seule fois le rapport de tons que le peintre a imaginé. On en verra qui seront plus extraordinaires peut-être, mais autres. On ne verra point, non plus, un manteau comme celui du maître philosophe, si éclaboussé soit-il par les reflets, prendre insensiblement l’aspect d’un cache-poussière au sortir d’une bataille de confetti. Ce qu’on ne verra pas, enfin, ce sont des arbres qui ressemblent à ces arbres. Ceci représente peut-être des oliviers aux gens qui n’aiment pas les oliviers et ne leur ont accordé qu’un regard distrait par la fenêtre de leur wagon en hâte vers Monte-Carlo. Mais les autres n’y reconnaîtront pas l’arbre tarde crescens. Où est, je ne dirai pas le détail et la description, mais l’impression seulement que donnent ce tronc où tout est muscles, cette tête où tout est chevelure, ce torse tiré de terre et tordu par une main toute-puissante comme un faisceau monstrueux de câbles d’airain et ces bras de forgeron, les coudes ramenés en arrière et contractés avec une indomptable énergie pour présenter au ciel un nuage de dentelle et de cendre ? Où est l’impression des milliers de petites lamettes suspendues à ce gigantesque « languier » d’argent, qui bruissent et brillent dès que passe, dans l’air, non pas même un souffle, mais une âme en voyage ? Où, enfin, le double visage de cette étroite feuille, mirée dans l’air, tantôt son propre reflet et tantôt sa propre ombre, souple et presque pointue, lustrée et presque impalpable, innombrable et presque indiscernable, comme le « point » nouveau d’une dentelle inconnue ?

Jusqu’ici, il est vrai, nul ne l’a peint, et le Thaulow de l’olivier est encore à trouver. Celle répartition du feuillage en masses distinctes et bien caractéristiques de son essence, — qui est la grande difficulté dans la peinture de tout arbre, quel qu’il soit, — devient, quand il s’agit de l’olivier, une tâche quasi impossible. Il est presque aussi vain de vouloir montrer les plans successifs