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suivantes, la plupart des questions relatives au Congo furent éludées ou repoussées comme indiscrètes (M. Wœste a même dit impertinentes) en vertu de la fiction d’après laquelle « le Congo est un État indépendant qui ne peut être mis en demeure de répondre à un questionnaire. » « Nous devons, ajouta le président, éviter de donner des armes au Times ! » D’ailleurs, la Commission n’avait pas à s’occuper du Congo, mais seulement à préparer un projet de loi coloniale.

Cependant, le ministère présidé par M. de Smet de Naeyer étant tombé (avril 1907), M. de Trooz, chef du nouveau Cabinet, annonça aux Chambres que le gouvernement avait l’intention de présenter, avec la loi coloniale, un projet de transfert de l’État indépendant à la Belgique.

Cette résolution était inattendue. Le Roi n’avait-il pas déclaré, onze mois auparavant, que « seuls les adversaires du Congo poussaient à une annexion immédiate ? » Le mouvement de l’opinion, et surtout la pression menaçante de l’Angleterre, l’ont forcé à hâter une solution qu’il aurait voulu ajourner encore. C’est en effet de l’Angleterre, nous l’avons dit, que sont venues les premières, comme aussi les plus persistantes et les plus énergiques protestations contre le régime congolais. Il y avait à cela plusieurs explications vraisemblables : d’abord, la fureur des commerçans de Liverpool indignés de voir l’État indépendant accaparer l’ivoire et le caoutchouc du Congo, malgré les clauses formelles du traité de Berlin ; peut-être la jalousie de certains protestans devant le succès des missions catholiques ; enfin, chez quelques hommes d’État britanniques, l’idée de derrière la tête d’évincer la Belgique d’une partie, tout au moins, de cette riche région et de s’y installer à sa place. Sans doute la France a un droit de préférence que l’on ne songe pas à contester jusqu’ici, mais dont aussi l’on ne se préoccupe guère, car il paraît douteux que la République française, qui a déjà fort à faire dans son propre Congo, tienne beaucoup à agrandir sa colonie de l’immense Congo léopoldien. L’Angleterre a dû penser qu’il lui serait facile, le cas échéant, de recommencer ici ce qui lui a déjà réussi ailleurs et de nous faire renoncer à nos droits… moyennant quelques compensations.

Il serait pourtant injuste d’attribuer des motifs intéressés à l’Angleterre tout entière. C’est avec un sincère sentiment d’indignation, sans doute, que les membres de la Congo Reform Association