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parfois à d’abominables excès, mais ce sont là des cas isolés ; ils ne peuvent en rien être comparés aux faits qu’on a constatés dans l’Etat indépendant, où les abus prennent facilement un caractère collectif. En effet, le grand inconvénient que la Commission d’enquête a dû reconnaître au Congo léopoldien, c’est l’identification de l’Etat avec les entreprises commerciales ; les agents commerciaux sont en même temps des fonctionnaires, et « la loi charge de la répression des abus celui qui semble intéressé à les commettre. » Tant que cette confusion d’attributions existera, les réformes ne seront qu’un vain mot. Certes, on envoie, de Bruxelles, des prescriptions humanitaires, mais elles resteront à l’état de lettre morte tant qu’on les accompagnera d’instructions telles que celle-ci (citée par le P. Cus dans sa note à la Commission d’enquête) : Portez à cinq tonnes par mois votre rendement en caoutchouc.

Il était impossible de ne point donner une sanction aux conclusions du rapport. Une Commission fut donc nommée par l’Etat, — c’est-à-dire par le souverain, — pour examiner les réformes proposées par les enquêteurs ; mais on regrettait de n’y voir figurer ni un missionnaire, ni un seul des officiers et des autres personnages compétens auxquels il aurait été naturel de s’adresser. En revanche, on y remarquait sept membres de cette administration même dont on faisait le procès. La presse belge, restée longtemps muette sur la question congolaise, la discutait maintenant avec passion. Coup sur coup parurent, à Bruxelles, diverses publications appelées à frapper l’opinion ; les plus remarquables furent, d’une part, la brochure intitulée : Vingt-deux ans d’administration belge au Congo (l’auteur anonyme ne tarit pas en éloges sur l’administration de l’État indépendant ; il nie qu’il y ait une question du Congo en Belgique : « C’est en Angleterre seulement qu’on cherche à en créer une ; ») d’autre part, l’important ouvrage de M. Cattier, professeur à l’Université de Bruxelles, et celui du B. P. Vermeersch. Ces deux auteurs, — l’un appartenant au parti libéral, l’autre, religieux de la Compagnie de Jésus, — diffèrent souvent dans leur manière de voir sur les réformes à introduire, mais tous deux s’accordent pour réclamer, comme les enquêteurs eux-mêmes, la réorganisation complète de l’administration et la refonte du régime fiscal. Tous deux s’accordent aussi pour réclamer la prompte annexion du Congo à la Belgique. M. Cattier condamne