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fruit, il avait été convenu qu’elles seraient considérées comme suspendues et non rompues, afin de pouvoir être reprises au premier moment opportun. Les trois souverains avaient constaté cette situation en échangeant des lettres autographes. « Beust, écrit encore Gramont, me fit lire la lettre de l’empereur François-Joseph et la réponse de mon souverain. C’était un échange de promesses réciproques de bonne entente. Promesse de garder l’un vis-à-vis de l’autre les mêmes sentimens que ceux qui avaient inspiré le traité projeté et de ne pas contracter d’alliance avec un tiers sans s’être préalablement mis d’accord. La lettre de l’empereur d’Autriche, dont j’eus plus tard l’original entre les mains à Paris, était écrite de sa main avec l’assentiment de son chancelier ; elle constituait donc à tous égards un document officiel et authentique. J’appris également par Beust qu’il existait une lettre semblable du roi d’Italie, mais je n’en eus connaissance qu’à mon retour à Paris. »

Gramont arriva à Paris le 29 mai. Le lendemain il alla aux Tuileries, une demi-heure avant la réunion du Conseil, afin de rendre compte des incidens de son voyage. Les premières paroles de l’Empereur furent pour lui demander si Beust l’avait mis au courant, puis ouvrant un des tiroirs de droite de son bureau, il en tira les lettres autographes de l’empereur François-Joseph et du roi Victor-Emmanuel. « La lettre du roi d’Italie, écrit encore Gramont, était conforme à ce que m’en avait dit Beust : le Roi exprimait le regret de ne pouvoir se départir de la condition de l’évacuation du territoire pontifical par nos troupes et l’espoir que bientôt, ce dernier obstacle écarté, il pourrait donner suite à la conclusion d’un traité qui répondait à tous ses sentimens. « Quoi qu’il arrivât, ajoutait le Roi, l’Empereur n’aurait jamais d’ami plus dévoué et plus fidèle. » D’après la teneur de la lettre et ses précautions de style, il était évident que ce document avait été rédigé en conseil ; mais comme il n’y était nulle part fait mention des ministres, la lettre du Roi restait un document privé qui n’engageait pas son gouvernement. Sous ce rapport elle différait de celle de l’empereur d’Autriche. » Gramont demanda à l’Empereur s’il avait la copie de sa réponse à François-Joseph. Il ne l’avait pas. Gramont pria Metternich de la faire venir de Vienne, ce qui eut lieu quelque temps après.

Gramont ne communiqua ni au Conseil, ni à moi-même ces