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Les conditions du référendum impérial s’écartaient-elles de celles du référendum démocratique ? Le référendum impérial s’adressait au peuple sans avoir été précédé de l’approbation des Chambres. Le référendum suisse, de même, s’exerce sans l’assentiment des Chambres, et le bon sens indique qu’il n’en peut être autrement ; car si le référendum était subordonné à ce consentement, il n’aurait jamais lieu ; une Chambre ne peut pas admettre qu’une loi qu’elle a votée ne soit point parfaite, sans cela elle ne l’aurait point votée. La différence entre le référendum impérial et le référendum suisse consiste en ceci : le référendum, en dehors du cas de la révision de la Constitution, où il est obligatoire également dans les deux pays, ne pouvait être provoqué en France que par l’Empereur, tandis qu’en Suisse, il peut l’être par l’initiative d’un certain nombre de citoyens. Cette différence n’est pas une preuve d’infériorité du référendum impérial, elle tient à ce que celui-ci se rattache à un pouvoir permanent et l’autre à une république. Le référendum ou l’appel au peuple établi par notre Constitution sans le consentement des Chambres est donc une innovation heureuse. Les parlementaires le contestent : Ce n’est qu’un charlatanisme ou une duperie, disent-ils, et par là votre Constitution n’est pas libérale, elle est césarienne ; le peuple répond toujours oui à ce qu’un gouvernement lui demande. S’il en était ainsi, pourquoi les terroristes ont-ils refusé de soumettre au peuple la condamnation de Louis XVI ? N’est-ce pas un gouvernement établi, lors de l’élection présidentielle de 1848, qui a proposé au peuple le nom du général Cavaignac ? Et cependant, c’est par celui de Napoléon que le peuple a répondu. La pratique du référendum en Suisse a amené à l’état de vérité expérimentale incontestable que le peuple pense souvent tout autrement que les députés qu’il a élus et que souvent il réélira. En voici, un des exemples les plus saisissans : une loi sur l’assurance obligatoire en cas d’accident du travail est votée par les deux Chambres, à l’unanimité, moins une voix. Referendum : la loi est repoussée à 100 000 voix de majorité. Et cependant, presque tous les députés ainsi désavoués furent réélus.

Il faut donc approuver la Constitution de 1870 d’avoir, pour la première fois, introduit le plébiscite dans le mécanisme constitutionnel libéral. De la sorte, la souveraineté du peuple ne s’exerce pas à cette seule minute où le citoyen met dans l’urne un bulletin nommant un député ; elle est toujours vivante et à