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palais ; sa nomination par le chef de l’État était la garantie d’un choix éclairé et réfléchi : théoriquement, l’élection d’en bas paraît assurer le succès du mérite ; en réalité, elle n’est le plus souvent que la prime gagnée par l’intrigue. Les Florentins, après avoir usé à outrance de l’élection, en étaient arrivés à considérer le tirage au sort sur une liste comme donnant de meilleurs résultats. De plus, notre Sénat n’était pas une Haute Cour de justice : les crimes contre la sûreté de l’Etat ne lui étaient pas déférés, ils étaient attribués au jury national d’une Haute Cour.

Néanmoins, le contrepoids du Sénat n’est pas toujours un préservatif de l’omnipotence parlementaire, car il se peut que les deux Chambres s’accordent dans la même volonté d’exercer la plus terrible tyrannie, celle d’une majorité législative qui n’est plus en conformité d’opinion avec la nation. Quel remède en ce cas ? Selon les parlementaires, il n’en est aucun. Il faudra tout subir jusqu’à ce qu’une réélection culbute les tyrans et les remplace par les vrais représentans de l’opinion dont ils n’ont pas tenu compte. Remède tardif et inefficace ! car lorsque les tyrans parlementaires seront balayés, l’acte dont la nation ne voulait pas sera peut-être passé à l’état de fait accompli irrévocable. Il est donc nécessaire de s’assurer le moyen d’empêcher le fait contraire à la volonté d’un peuple de s’accomplir. Notre Constitution le donnait. C’est celui que la république suisse pratique tous les jours au grand avantage de la paix sociale : l’interrogation directe adressée à tout le peuple de répondre, par un oui ou par un non, s’il agrée ou s’il rejette la loi votée par ses représentans.

La routine des parlementaires s’insurge contre ce procédé, et ils préfèrent la ruine de leurs idées à leur salut par un tel moyen, contraire, disent-ils majestueusement, aux principes. A quoi bon interroger le peuple ? Il a nommé des députés précisément pour le représenter et répondre en son nom. Cette objection constitue l’illusion décevante du parlementarisme. Non ! le peuple n’exprime point sa pensée par l’élection des députés. Dans toute élection de ce genre, l’élément personnel est presque toujours prépondérant : tel est nommé parce qu’il appartient à une famille bien placée dans le pays, qu’il a rendu des services, qu’il est agréable, parle bien, donne de solides poignées de main, et, ayant un bon estomac, trinque infatigablement au cabaret. Mais ce député, dit-on, a fait une profession