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hier soir et ce matin par divers journaux. » Et le Siècle lui-même nous conjurait « de ne pas prolonger plus longtemps un insupportable mystère. »

Nous aurions manqué du tact de la bataille si nous avions refusé plus longtemps d’édifier le pays sur la valeur morale de nos misérables adversaires. Nous nous décidâmes donc à raconter, à raconter complètement, à réunir dans une même communication les faits de février, dont l’instruction était terminée, à ceux d’avril dont l’instruction était en cours, et, vu leur connexité et leur importance, à saisir la Haute Cour de justice de l’un et de l’autre. Dans le rapport qui motivait ces décisions, il n’y avait pas seulement des documens de police, des dénonciations vagues, c’étaient des lettres formelles des inculpés eux-mêmes, notamment des lettres de Flourens et de Beaury, d’une clarté ne permettant aucune dénégation. Du reste, Flourens, plus tard, atout raconté et s’en est vanté. Mais dès ce moment, la réalité des imputations ne fit de doute pour personne. Seulement, les hommes de parti changèrent de tactique. Quand les réduit-on au silence ? Ils avaient commencé par nier l’existence du complot. La leur démontrait-on, c’était la police qui l’avait inventé ou tout au moins perfectionné. Tant que le gouvernement s’était tu, on lui criait de parler ; il parle, on lui crie : Pourquoi n’avez-vous point gardé le silence ? Il faut donc ne pas entendre ces criailleries et ne se préoccuper que de l’opinion des gens sérieux. Ceux-là ne nous accusaient ni d’avoir inventé, ni d’avoir perfectionné le complot. C’est contre une crainte d’un autre genre qu’ils désiraient être rassurés. Ils redoutaient que, troublés par de si menaçantes provocations, nous ne nous laissions entraîner à une politique réactionnaire. Je les rassurai. Le jour même où l’Empereur signait le décret convoquant la Haute Cour, j’écrivis à Paul Dalloz, directeur du Moniteur Universel : « Vous demandez au gouvernement de déclarer qu’il ne sera pas jeté dans la réaction par les douloureuses mesures de résistance auxquelles le contraignent des ennemis qu’auraient dû apaiser des mesures de clémence et de conciliation sans exemple. Lisez, dans les journaux, le compte rendu de l’une des réunions publiques tenues hier à Paris. Existe-t-il en Europe un seul pays dans lequel on puisse dire contre un gouvernement ce que, depuis huit jours, on dit du gouvernement de l’Empereur ? D’ailleurs, qui parle de réaction ? Le gouvernement a dit au peuple : Ni réaction, ni