Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consciences inquiètes, je me retire donc, et vous servirai mieux en volontaire que dans le rang. Dès que le S.-C. sera voté, j’irai à Mont-de-Marsan, pour y organiser à l’anglaise un de ces comités départementaux sans lesquels l’action de Paris ne dépassera pas la limite de l’octroi. Peut-être aussi trouverai-je moyen d’agir sur les instituteurs, cette armée de 45 000 hommes qui m’a gardé un peu de la confiance qu’elle avait en moi. Votre tout dévoué. » (15 avril 1870.)


VI

La question posée au peuple fut celle-ci :

« Le peuple approuve les réformes libérales opérées dans la Constitution depuis 1860, par l’Empereur, avec le concours des grands corps de l’État, et ratifie le sénatus-consulte du 20 avril 1870. »

Si on pouvait lui reprocher sa complexité, il n’était pas permis de nier sa clarté. Elle portait exclusivement sur la liberté intérieure, et ce qu’elle demandait au peuple, c’était de répondre s’il approuvait ou non l’extension qui lui avait été donnée dans les dernières années. Rien de plus et rien autre. Gambetta s’est plus tard rendu coupable d’une imposture, lorsqu’il a dit : « On vous disait, en 1870, que voter oui, c’était la paix ; nous disions : C’est la guerre ; on vous disait que c’était la liberté ; nous disions : C’est la servitude ; on disait que c’était la stabilité ; nous disions : C’est la Révolution ; on disait que c’était la grandeur de la France ; nous disions : C’est l’invasion. » En 1870, personne, ni l’Empereur dans ses proclamations, ni ses ministres dans les leurs, ni l’opposition dans ses manifestes, n’a posé la question de paix ou de guerre, car cette question alors ne se posait pour personne. Le gouvernement n’y songeait pas : « J’affirme, a dit Buffet plus tard, qu’à ce moment pas un seul membre du ministère ne prévoyait ces événemens ; pas un ne pensait à la guerre possible ni probable ; pas un seul. » Tout au plus, si quelque chose a ressemblé à une préoccupation de guerre, ce sont les déclamations de la Gauche contre Sadowa et sur l’abaissement de la France. L’opposition n’a donc pas eu à démentir des promesses pacifiques qu’elle ne demandait pas et à pronostiquer une invasion qu’elle souhaitait peut-être, mais qu’elle ne se fût pas risquée à prophétiser. Girardin l’a dit à Gambetta lui-même dont il