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La discussion qui eut lieu au Corps législatif aviva plutôt qu’elle n’apaisa ses révoltes. Le 7 avril, nous nous réunîmes chez moi en conseil à neuf heures et demie du matin. Il y apporta un ultimatum qu’il me pria de remettre à l’Empereur : « Le présent plébiscite ne sera pas soumis aux Chambres. L’Empereur conservera le droit d’appel au peuple, mais aucun changement à la Constitution ne pourra être opéré sans le consentement préalable des Chambres. » J’allai, après la séance du Corps législatif, porter aux Tuileries cet ultimatum. Je trouvai encore l’Empereur très souffrant. Il ne me parut pas offusqué de la proposition. Mais je venais à peine de le quitter qu’il m’adressa le billet suivant : « Mon cher monsieur E. Ollivier, la proposition que fait M. Buffet a l’air si naturelle qu’au premier abord elle semble devoir être acceptée, mais, en y réfléchissant, je vois qu’elle supprime complètement mon droit d’appel au peuple, et qu’elle rend de nouveau perfectible une Constitution que nous avons voulu rendre immuable ou à peu près. En effet, si un jour j’étais forcé de faire un appel au peuple, ce serait sans doute pour toucher à certains articles de la Constitution. Comment le pourrais-je, si l’article additionnel me forçait de soumettre la question aux deux Chambres ? Il faut véritablement en finir. J’ai été de concessions en concessions, mais il y a un terme à tout. Du reste, j’expliquerai mon refus au Conseil. Croyez à mes sentimens d’amitié. — NAPOLEON. » (7 avril 1870.)

Le lendemain, 8 avril, l’Empereur annonce au Conseil son refus en termes catégoriques n’admettant plus de discussion. Il était toujours très souffrant, ce qui donnait à ses paroles une sécheresse saccadée, inaccoutumée. Buffet présente d’un ton modéré quelques observations, mais ne parle pas encore de démission. Ce fut dans la réunion tenue à une heure chez moi, en dehors de l’Empereur, qu’il annonça sa résolution. Daru, en quelques mots émus, lui demande d’oublier sa vivacité de l’avant-veille et le supplie de ne pas nous abandonner. Talhouët joint ses instances aux siennes. Buffet répond que c’est pour lui un devoir de conscience de donner sa démission, puisque son ultimatum est rejeté. Je le combats véhémentement : « Quand l’Empereur défendait l’article 33, vous et Daru lui répondiez : Ce qui est compris dans cet article vous est assuré par l’appel au peuple. Maintenant que l’article 33 a été abandonné, vous réclamez la suppression de l’appel au peuple, car le soumettre à