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la Constitution au-dessus de toute controverse, et d’appeler le Sénat, ce grand corps qui renferme tant de lumières, à prêter au régime nouveau un concours plus efficace. Je vous prie, en conséquence, de vous entendre avec vos collègues pour me soumettre un projet de sénatus-consulte qui fixe invariablement les dispositions fondamentales découlant du plébiscite de 1852, partage le pouvoir législatif entre les deux Chambres, et restitue à la nation la part du pouvoir constituant qu’elle avait délégué. — Croyez, monsieur le ministre, à mes sentimens de haute estime (21 mars). »

Cette lettre provoqua une acclamation de contentement. Dam, ravi, me dit : « Il faudrait manifester à l’Empereur notre satisfaction. — Mais comment ? — Si nous lui faisions passer une revue de la garde nationale ? — Je crois, répondis-je en souriant, qu’il préférerait autre chose. »


II

Je me mis aussitôt à rédiger le sénatus-consulte, entièrement d’accord avec l’Empereur, sauf sur l’article 33, encore en discussion. Ce travail m’engagea dans un dissentiment sérieux avec le prince Napoléon. Jusque-là, son droit héréditaire et celui de sa famille dépendaient uniquement fie la volonté de l’Empereur, qui pouvait le lui donner ou le lui enlever. Je le fis inscrire dans la Constitution. C’était beaucoup ; cela ne lui suffit pas. Il voulait, étant entré dans la Constitution, en mettre dehors l’Impératrice, et rejeter le règlement de la Régence dans le domaine purement législatif. L’Empereur eût considéré une telle proposition comme un acte de trahison à son égard. Je me gardai bien de la lui soumettre. Le prince en fut outré. Il ne m’épargna pas dans sa verve sarcastique : ce que je faisais était absurde ; la rupture du testament de Louis XIV prouvait que la Régence est affaire de circonstances, et ne peut être réglée d’avance par une Constitution. Supposant à Rouher une intervention imaginaire, il disait : « Le Provençal a été roulé par l’Auvergnat ; Ollivier n’est qu’un ténor, et non un homme d’État. » Avec ses intimes, il présentait mon refus comme un manquement à notre amitié, et, sans cependant la rompre, il se rangea parmi mes opposans déclarés.

Je conseillai vivement à l’Empereur de ne pas reproduire