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la Méditerranée, sa force maritime, et, en même temps, de faire une expérience de mobilisation. Elle a donc mobilisé 8 cuirassés, 3 croiseurs cuirassés, 3 croiseurs protégés, 24 torpilleurs, 3 canonnières et 3 navires auxiliaires. Il n’en fallait pas tant pour amener la Porte à composition ! Sous la pression d’une aussi formidable armada, elle a annoncé qu’elle cédait. Elle y a mis toutefois quelques formes. « Du moment, a-t-elle dit, que le gouvernement italien ne demande à ouvrir des bureaux postaux que dans les cinq villes indiquées (Constantinople, Salonique, Vallona, Smyrne et Jérusalem) où déjà existaient des bureaux ouverts à d’autres puissances, il n’y a pas lieu d’adopter à l’égard de l’Italie un traitement autre que celui qui est réservé aux autres puissances. Comme l’ouverture de bureaux postaux étrangers dans l’Empire ne repose sur aucun droit concédé, ni sur aucun engagement pris par le gouvernement ottoman, il demeure entendu qu’il sera procédé également à l’égard des bureaux italiens suivant la décision qui sera prise à l’avenir au sujet de tous les bureaux postaux étrangers. Il est donc établi que l’ouverture de ces bureaux ne sera pas interprétée comme un droit spécial acquis. » Lorsqu’il a reçu cette communication, des mains de l’ambassadeur ottoman, M. Tittorni s’est empressé de répondre qu’il n’avait jamais demandé pour l’Italie plus que la Porte n’avait accordé aux autres puissances, et que si les bureaux des autres étaient un jour supprimés, il ne demanderait pas que ceux de l’Italie fussent maintenus : en un mot, il ne voulait pour son pays d’exception ni dans un sens, ni dans l’autre, ni en moins, ni en plus. Et l’accord s’est trouvé rétabli. L’Italie, comme nous l’avions fait autrefois, poursuit du même coup le règlement de quelques-unes de ses réclamations restées en souffrance : elle l’obtiendra.

Nous ne voudrions, assurément, rien dire de désobligeant à la Porte, surtout dans une circonstance qui a été pénible pour elle. Une leçon, toutefois, ressort de l’incident : nous la recommandons à nos pacifistes qui prêchent le désarmement, sans se préoccuper de savoir si les autres suivraient l’exemple qu’ils conseillent à leur pays de donner : car, disent-ils, il faut bien que quelqu’un commence. La Porte n’a pas de marine ; l’Italie en a une : — on vient de voir quelle différence ce simple fait introduit dans leurs rapports.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.