Nous sommes allés à Casablanca pour venger des Français qui y avaient été massacrés et, certes, nous avons tiré de ce fait une réparation éclatante et suffisante. L’Acte d’Algésiras n’a ici rien à voir. Il n’y aurait pas eu de Conférence et nous n’aurions pas reçu d’elle un mandat déterminé, que nous aurions dû faire et que nous aurions fait la même chose. Mais pourquoi, après avoir frappé un coup rapide et énergique, ne nous sommes-nous pas retirés ? Nous avons fait le contraire. Nous avons frappé une série de petits coups, qui ont été crescendo à mesure que nous avons envoyé des forces plus considérables, mais qui n’ont jamais produit un effet décisif et définitif. C’est là une bien mauvaise méthode, soit politiquement, soit militairement. Y persisterons-nous ?
Notre sentiment très formel est que, loin d’y persister, il faut se hâter d’en changer, et nous souhaitons vivement que la mission que viennent de remplir le général Lyautey et M. Regnault ait pour résultat d’apporter au gouvernement quelques idées claires, nettes, précises, qui lui permettront d’arrêter enfin un plan de conduite bien défini. Puisque, à tort ou à raison, nous avons occupé la Chaouia, nous devons y assurer le maintien de l’ordre et y ramener la sécurité : quant à la pacification du reste du Maroc, ce serait folie de nous en charger. M. Clemenceau et M. Pichon l’ont dit souvent et ils ont eu bien raison de le dire : qu’ils mettent enfin leurs actes d’accord avec leurs paroles. Est-ce à dire que nous devions évacuer dès aujourd’hui la Chaouia et Casablanca ? Non assurément : contentons-nous de ne pas rendre l’évacuation impossible plus tard. Achevons de pacifier la Chaouia, sans aller plus loin ; et quant à Casablanca, organisons-y une police capable d’y garantir la sécurité des Européens. Ici, nous rentrons dans le cadre d’Algésiras, et nous pouvons exciper d’un mandat que nous avons effectivement reçu : nous avons été chargés d’organiser, avec les Espagnols, la police du port. Il est bien évident que nous ne pouvons pas y procéder d’une manière efficace dans les conditions et avec les moyens restreints que la conférence avait prévus. Une police marocaine, même avec quelques instructeurs européens, serait aujourd’hui un instrument dérisoire : nous devons faire quelque chose de sérieux, laisser des troupes à Casablanca, et occuper pendant quelque temps encore les points qui couvrent la place, où nous avons versé notre sang et où flotte notre drapeau. A tout cela quelques milliers d’hommes suffisent. Il en faudrait beaucoup plus que le double de ce que nous y en avons actuellement, si nous voulions prendre à notre charge la fortune